mardi 13 décembre 2016

La Nuit des Morts-Vivants - 1968 - Georges ROMERO / 1990 - Tom SAVINI

La nuit des morts-vivants - 1968 - Georges ROMERO
Titre original: Night of the living dead

Pour de mystérieuses raisons, les morts reviennent à la vie et ont faim de chair fraîche.

La nuit des morts-vivants peut être considéré comme une pierre angulaire du cinéma pour plusieurs raisons: tout d'abord, il s'agit d'un des premiers films qui fait sortir le cinéma d'épouvante des grandes figures gothiques. L'horreur ne vient plus des châteaux de Transylvanie ou du laboratoire d'un savant fou, mais devient quelque chose de beaucoup plus concret, presque réaliste. Au fond, il n'y a pas grand chose qui sépare l'humain du zombie. Des films comme 2 000 Maniacs avait déjà défriché le terrain, mais l'impact de La nuit des morts-vivants est incomparable.

Ensuite, le but des personnages n'est pas d'affronter et de détruire le mal, comme le ferait n'importe quel VAN HELSING, mais simplement de survivre: cela pose une règle des films de zombies qui reste valable de nos jours. Le héros cherche avant tout à protéger les siens et ne pas se faire bouffer, il n'essaie pas de sauver le monde. Le zombie n'est pas un monstre surpuissant, il est donc difficile de lui opposer un héros traditionnel, sinon il n'y a pas d'enjeu. C'est le problème du personnage de Brad PITT dans World War Z qui incarne la figure classique du sauveur de l'humanité.

Le film suit ses personnages sans jamais changer de point de vue, à l'exception des bulletins d'informations et de la séquence finale, il n'y a pas de scènes expliquant réellement la situation dans le monde, on est presque dans un found footage. Ce choix de narration vient principalement des contraintes budgétaires, mais au final sert le récit. L'identification du spectateur aux personnages se trouve renforcée: on ne sait pas grand chose d'eux, mais on les apprécie et on espère qu'ils vont s'en sortir.

La nuit des morts-vivants est également porteur d'un message critique assez fort, mais qui, selon moi, n'est pas forcément bien interprété par le public. On considère souvent que le fait d'engager un afro-américain pour tenir le rôle principal est un acte très politique dans une Amérique marquée par la ségrégation. Ce à quoi Georges ROMERO a répondu qu'il avait choisi uniquement Duane JONES parce qu’il était le plus talentueux. En fait, ce que montre ROMERO, c'est que l'espèce humaine est incapable de faire face à une menace et qu'il suffit de peu de chose pour que l'ensemble des structures sociales volent en éclat: pendant tout le siège de la maison par les zombies, Ben (l'afro-américain) ne cessera de disputer le commandement à Harry, archétype du blanc conservateur. Plutôt que d'essayer d'adopter une défense commune et efficace, ils vont se disputer pour savoir la stratégie à adopter, au détriment de l'efficacité. Zombie est dans cette continuité et même L'armée des morts de Zack SNYDER est assez proche sur cet aspect: l'Homme n'est pas capable de réfléchir face à une menace et d'avoir une conduite rationnelle, il raisonne d'une manière stupide et mérite presque de se faire bouffer.

En plus d'être critique, La nuit des morts-vivants est très ironique vis-à-vis du spectateur: pendant tout le film, le spectateur ne cesse de prendre parti pour Ben. Charismatique, courageux et sachant prendre l'initiative, il est l'exact opposé de Harry qui apparait lâche et veule (cependant, il a une femme et un enfant à protéger, ce que n'a pas Ben). Harry veut que le groupe se barricade dans la cave tandis que Ben veut rester en surface. Au final, Ben aura la plus longue espérance de survie en adoptant la stratégie de Harry.

# # #


La nuit des morts-vivants - 1990 - Tom SAVINI

A peu près le même script que pour l'original...

Etait-il nécessaire de faire un remake de La nuit des morts-vivants? Oui! Même si l'original a rebattu les cartes du cinéma fantastique et reste d'un intérêt historique incontestable, il a pris un coup de vieux qui rend son visionnage assez pénible pour celui qui le découvre aujourd'hui.

L'histoire est assez proche de la version de 1968. Tom SAVINI cherche avant tout à rendre hommage à son modèle et plutôt que d'adopter le ton énervé et ultra-réaliste de l'original, il donne au film un ton plus humoristique. Attention, on n'est pas dans la franche déconnade comme pouvait l'être Le retour des morts-vivants, mais SAVINI n'est pas là pour se prendre au sérieux et fait ce que fera TARANTINO quelques années plus tard: rendre hommage à un genre en détournant ses codes sans s'en moquer. SAVINI se permet cependant une petite pique en montrant comment les humains semble prendre un plaisir sadique à massacrer les zombies, mais cela reste assez discret.

Le gros changement touche principalement le personnage de Barbara. Dans la version de 1968, elle est en état de choc et ne fait rien durant la majeure partie du film (elle a vu son frère se faire massacrer) et n'a, au final, qu'une importance assez réduite. Tom SAVINI en fait une héroïne badass qui va massacrer du mort-vivant avec une efficacité à en faire pâlir Ellen RIPLEY.

En regardant le remake, je me suis dit que l'original ne pourrait plus passer aujourd'hui, notamment à cause de la façon dont Barbara était traitée par ROMERO: le réalisateur sera jugé machiste et patriarcal s'il présentait de nos jours un personnage féminin qui ne peut se défendre et ne fait rien d'autre que rester prostré. Peut-être que ROMERO est sexiste, je n'en sais rien, mais certains ont tendance à trop interpréter les films: la version de 1968 cherche à être réaliste, il n'y a rien de choquant à ce qu'un personnage soit en cas d'invasion de zombies tellement choqué parce qu'il ne puisse plus agir.

La nuit des morts-vivants de 1990 est un sympathique film d'action qui a permis de rajeunir le genre du film de zombie. Il n'a pas le mordant de son ainé mais est efficace et distrayant, ce qu'on demande avant tout à un film.

dimanche 4 décembre 2016

The Trip - 1967 - Roger CORMAN

Paul est publicitaire à Los Angeles. Il déprime à cause de la séparation d'avec sa femme. Suite à une prise de LSD, il va connaitre un trip infernal et connaitra des visions hallucinogènes et psychédéliques.

La drogue, c'est de la merde si vous n'achetez pas des produits de bonnes qualités...

Parmi toutes les catégories du cinéma d'exploitation, la Drugsploitation est une des plus surprenantes. Mélange de moralisme et de voyeurisme, le but de ces films est de montrer les méfaits de la drogue qui  ravage la jeunesse tout en éludant le moindre élément d'analyse. Si on filme des drogués et montre des images chocs, on ne cherche pas réellement à comprendre pourquoi ils en sont arrivés à se détruire ainsi. Il ne faut pas perdre de vue que le but de ce film est de faire acheter un ticket au spectateur, pas de faire de la sociologie. En gros, c'est du Enquête Exclusive avant l'heure. Pour ceux que le sujet intéresse, Nanarland a signé un très bon article.

The Trip est réalisé par Roger CORMAN et compte notamment Peter FONDA et Denis HOPPER dans son casting. Les deux premiers (CORMAN ET FONDA) avaient déjà tourné ensemble dans Les Anges Sauvages, prototype du films de bikers des 60's. Les deux derniers (FONDA et HOPPER) tourneront quelques années plus tard Easy Rider. Mais, ironie de l'histoire, au lieu d'être produit par un studio indépendant, le film initiateur de la contre-culture sera financé par une major hollywoodienne (Columbia en l’occurrence) et contiendra notamment une séquence de trip hallucinogène.

Et sinon, ça vaut quoi The Trip? D'un point de vue purement cinématographique, le film n'a pas trop mal supporté le poids des années. Esthétiquement, il est très marqué par son époque, mais c'est paradoxalement ce qui le rend intéressant: on a une sorte de photographie du Los Angeles de la fin des 60's avec tous les clichés que cela véhicule, que cela soit d'un point de vue vestimentaire ou musicale. Évidemment, il ne faut pas considérer que The Trip est un document historique ou représentatif sur l'état du pays, le mouvement hippie ayant été très minoritaire dans la jeunesse américaine. Par contre, si vous voulez réaliser un film ou écrire une histoire qui se passe durant le Flower Power, The Trip vous fournira tous les clichés possibles et inimaginables.

Les séquences hallucinogènes sont plutôt bien réalisées et suffisamment variées pour que l'on ne s'ennuie pas. Il y a par exemple, des allusions au Seigneur des Anneaux qui rappellent que ce livre était un classique des campus à cette époque. Le film est assez court (1h16), le sujet étant assez faible et ne permet pas de faire plus. CORMAN a le bon goût de ne pas être trop moraliste: à l'exception d'une annonce en début de film, CORMAN ne cherche pas réellement à faire passer de message, il a conscience que ce genre de chose énerve le spectateur. Il se contente de montrer des séquences un peu osées, ce qui a le mérite de ne fâcher personne.

Pour la petite anecdote, au générique, j'ai eu la surprise de voir que le film a été scénarisé par Jack NICHOLSON qu'on retrouvera au casting d'Easy Rider.