vendredi 31 mars 2017

Patrouille de choc - 1957 - Claude BERNARD-AUBERT

Durant la guerre d'Indochine, le lieutenant PERRIN et ses hommes occupent un poste isolé près d'un village de paysans. Ils subissent quotidiennement le harcèlement du Viet Minh.

Patrouille de choc est le premier film français à s'intéresser au conflit indochinois. Il est signé de Claude BERNARD-AUBERT, également auteur de Charlie Bravo (1980) et photographe de guerre à l'époque.

Lorsque Patrouille de choc a été réalisé, la guerre d’Extrême-Orient venait de s'arrêter suite à la défaite de Diên Biên Phu en 1954. Le cauchemar des guerres coloniales était loin d'être fini, car l'armée française était aux prises avec le FLN en Algérie. D'ailleurs, le film est sorti en juillet 1957 alors que les parachutistes du général MASSU et militants du FLN s'affrontaient en pleine bataille d'Alger.

Le ton du film est très proche de celui d'un documentaire. Il s'ouvre d'ailleurs sur des bandes d'actualités cinématographiques. Patrouille de choc s'attache à retracer les différentes étapes de la guerre contre-insurectionnelle. Il y a l'aspect purement militaire, notamment avec les opérations de ratissage menées par les supplétifs vietnamiens. Mais également l'action psychologique menée auprès des populations civiles: les militaires français essayent de rallier les villageois, par exemple en construisant des ponts ou en créant une école (on a d'ailleurs droit à une séquence où un militaire fait la classe aux petits vietnamiens et leur enseigne le fameux Nos ancêtres les gaulois...). Patrouille de choc illustre la formule Gagner les cœurs et les esprits souvent employée pour parler des conflits asymétriques, et en montre les limites.

En fait, le premier titre du film était Patrouille sans Espoir: pour obtenir son visa de sortie, le réalisateur a du changer le titre et modifier la fin jugée trop pessimiste. A l'époque, la censure était une réalité.

Pour être honnête, malgré ses qualités, le film n'est pas très palpitant et immersif. Le principal souci  vient de l'utilisation d'une voix off: bien qu'elle soit de qualité, elle tend à casser le rythme et l'atmosphère du film et créée une trop grande distance entre le spectateur et le film. Cependant, cela est dû principalement à des conditions matérielles qu'à une volonté du réalisateur: le tournage a eu lieu au Viet Nam avec des acteurs non professionnels (ce dont on se rend compte), le son n'a pu être enregistré qu'a posteriori. Si la post-synchronisation est une technique maitrisée de nos jours, elle l'était certainement moins à l'époque. Patrouille de choc a été fait avec des bouts de ficelles et ce manque de moyens se voit à l'écran, particulièrement dans les scènes d'action.

Le film a des défauts, mais il se laisse regarder. Patrouille de choc reste intéressant d'un point de vue essentiellement historique: il s'agit du premier film à parler des guerres coloniales, sujet qui reste encore brulant aujourd'hui en France. Il le fait avec une grande honnête intellectuelle et a une vision assez pertinente pour l'époque: il montre que ces conflits sont sans issue. Il n'y a pas de jugement moral sur la colonisation, simplement le constat que l'armée française était  empêtrée dans un bourbier en Indochine (donc par ricochet en Algérie) et qu'elle ne pouvait gagner. Cela parait évident de nos jours, mais en 1957 ça ne l'était pas.




 















mardi 28 mars 2017

L'Ange de la Vengeance - 1981 - Abel FERRARA

Affiche absolument magnifique!
Titre original: Ms. 45

Thana est muette et vit dans le New York du débuts des années 80. Timide couturière, elle est agressée et violée deux fois dans la même journée, dans la rue puis chez elle. Traumatisée, elle va prendre un 45 et nettoyer les rues de la racaille.

Thana (certainement un diminutif de Thanatos, c'est-à-dire Mort en grec) est la petite soeur de Travis BICKLE, l'anti-héros de Taxi Driver. Personnage insignifiant, tout en bas de l'échelle sociale, elle n'est pas réellement persécutée, mais seulement ignorée. On ne sait pas grand chose d'elle, sinon qu'elle vit seule et a l'air de bien s'entendre avec sa voisine. Ce qu'elle recherche, ce n'est pas tant une vengeance qu'un but. Comme Paul KERSEY dans Death Wish, elle ne retrouvera pas le premier violeur qui l'a transformé en machine à tuer. Sa quête autodestructrice va lui permettre de s'affirmer en tant que femme, elle n'hésitera plus à prendre l'initiative et apprendra à ne plus avoir peur.

Mais L'Ange de la Vengeance vaut surtout pour cette vision sale et oppressante de New York qui en fait un personnage à part entière qui étouffe et martyrise les héros. Ruelles sales et étroites, faune nocturne agressive, chaos ambiant... On ne retrouve plus cette vision crade et désespéré sur les écrans de nos jours. Plus que des personnages, FERRARA cherche avant tout à montrer une ambiance: il a fait de son héroïne une muette, comme s'il se moquait de ce qu'elle aurait à dire. Contrairement à beaucoup d'autres vigilante movies, FERRARA se fiche des rapports sociaux: filmer les bourgeois agressés par les pauvres, cela ne l'intéresse pas. Zoé LUND (qui joue le rôle de Thana) est une figure morbide, avec son teint de porcelaine et sa maigreur, presque une morte vivant qui chasse dans la jungle urbaine. Elle ressemble beaucoup au personnage de Frank WHITE, dans King of New York.

L'Ange de la Vengeance est un film très marqué par son époque et paradoxalement intemporel. Il reste fascinant par la descente aux enfers de son personnage principal et l'ambiance cradingue du New York du début de l'ère Reagan. Je ne suis pas très amateur des films de FERRARA (cependant, j'en ai vu peu), mais L'Ange de la Vengeance est une exception que j'apprécie beaucoup.


Je suis totalement fasciné par ce costume violet!














Différents visuels du film:




samedi 25 mars 2017

Charlie Bravo - 1980 - Claude BERNARD-AUBERT

Durant les derniers jours de la guerre d'Indochine, une infirmière française est capturée par le Viet Minh. Un commando de parachutistes est envoyé pour la libérer puis la ramener à travers les lignes ennemies.

Charlie Bravo fait partie des rares films français à parler du conflit indochinois. A l'exception de Pierre SCHOENDOERFFER, peu de cinéastes se sont réellement intéressés à cette guerre qui semble avoir été un peu oublié en France. Claude BERNARD-AUBERT a été reporter et en a couvert les combats pendant plusieurs années. 

Charlie Bravo est marqué par un grand réalisme: BERNARD-AUBERT n'a pas une vision nostalgique de l'épopée coloniale. Pour lui la guerre n'est pas une belle aventure qui révèle les héros et les salauds, mais une horrible descente aux enfers. Le résultat à l'écran ne souffre pas de moyens financiers et techniques visiblement peu élevés. Charlie Bravo est assez proche de ce qu'ont fait les américains lorsqu'ils on filmé la guerre du Viet Nam: commando crapahutant dans la jungle et cerné par un ennemi invisible, ballets d'hélicoptère, sentiment d'impuissance face à une guerre qu'on sait déjà perdue, atrocités commises contre les populations civiles, salauds de bureaucrates planqués à l'arrière... La seule qui manque, ce sont les solos de Jimi HENDRIX.

Il n'y a pas grand chose à jeter dans ce film trop méconnu. Le casting est excellent, les acteurs sont crédibles dans leurs rôles de baroudeurs. La mise en scène reflète bien l'atmosphère poisseuse et étouffante de la jungle et les scènes d'action sont plutôt réussies. Sans être un chef d’œuvre, Charlie Bravo est à redécouvrir.















dimanche 19 mars 2017

L'Arbalète - 1984 - Sergio GOBBI

Sur fonds de trafic de drogue, différents gangs (Viets, Blackies...) s'affrontent à Paris. Vincent, un ancien loubard devenu flic est chargé d'infiltrer ce milieu qu'il a bien connu. Falco, un de ces collègues, va essayer de les dresser les bandes les unes contre les autres afin qu'elles s'entretuent.

Dans les années 80, la France faisait du polar, bon ou moins bon. L'Arbalète appartient à la seconde catégorie. Au début des années 80, si BEBEL et DELON réalisent encore de beaux succès au box-office, ils commencent à prendre de l'âge et il faut leur trouver des remplaçants. Divers comédiens (Bernard GIRAUDEAU, Richard BERRY...) vont être testés, mais aucun ne réussira réellement à s'imposer comme la nouvelle star du film d'action.

A l'époque, Daniel AUTEUIL n'est qu'un jeune acteur qui commence à être connu grâce aux comédies lourdingues comme Les Sous-doués. Il lui faut acquérir une crédibilité en tant que comédien et il va enchainer plusieurs films policiers en quelques années: L'Indic, Les Fauves et L'Arbalète. Si le premier est assez réussi, le deuxième est un nanar assez rigolo et le troisième une catastrophe absolue. Heureusement pour AUTEUIL, Claude BERRI va lui proposer le rôle d'Ugolin dans son diptyque Pagnolesque. 

L'Arbalète est très influencée par La Balance, excellent polar qui renouvelait intelligemment le genre. On retrouve ici les quartiers délabrés de Belleville sur fond de trafic de drogue. On sent également que GOBBI essaie de transposer à Paris les films de gangs américains comme The Warriors. Mais rien ne marche ici: La Balance proposait un nouveau type de flics obligé de s'adapter à son environnement. Dans l'Arbalète, Daniel AUTEUIL se contente de jouer un sous-BELMONDO sans avoir le charisme nécessaire à ce type de rôle. Avec son cuir étoilé, il fait réellement pitié. Les situations et les dialogues sont ridicules, on ne croit pas un instant à ces gangs tant ils font stéréotypés.

Mais le plus gros problème est que le personnage principal ne sert à rien: Vincent, interprété par Daniel AUTEUIL, est censé être le héros du film. Mais il ne fait rien, se contente d'interroger les voyous. Le personnage de FALCO a une véritable incidence sur l'histoire: il vole la cargaison de drogue, manipule les voyous, c'est lui qui fait avancer le film. Le personnage de Vincent pourrait être supprimé du script, cela ne poserait pas réellement de problèmes.

L'Arbalète est un des pires polars des années 80: il se contente de singer les codes des succès de l'époque sans les avoir compris. On peut se moquer lorsque les turcs ou les italiens copiaient les succès américains, mais les français ne font pas mieux. Cependant, j'aime beaucoup ce film: il est un tel exemple d’opportunisme commercial qu'il en devient presque touchant.

 
Tout polar français des années 80 se doit d'avoir une scène dans un bar gay à tendance cuir.



Didier SAUVEGRAIN, la belle gueule de voyou du cinéma français.


 
Marcel BOZZUFFI, l'homme qui était pourchassé par Gene HACKMAN dans French Connection


 
Voici la tête que devait faire Daniel AUTEUIL lorsqu'il a vu le résultat à l'écran.


 
Le repère des Justiciers, néo-nazis vivant dans des caravanes.


 
Marisa BERENSON qui tournait pour KUBRICK quelques années auparavant. 

Affiche canadienne