mardi 20 juin 2017

Avariya - doch menta - 1989 - Mikhail TUMANISHVILI

Titre anglais: Crash - Cop's Daughter

Une jeune punk moscovite - Valeria surnommée Crash -  vit en conflit permanent avec ses parents. Elle ne cesse de multiplier les provocations, particulièrement vis-à-vis de son père qui est milicien (Police russe). Lorsqu'elle est agressé et violée par un gang de voyous, son père va régler les choses à sa façon, les armes à la main.

J'ai découvert l'existence de ce film en cherchant des informations sur La petite Vera. A priori, Avariya est sorti en occident, mais j'ai trouvé peu d'informations à ce sujet. Je n'ai trouvé ni version française, ni sous-titres anglais et ai donc du le regarder en russe, langue dont je ne comprends pas le moindre mot. Cependant, ce n'est pas un problème pour suivre le film, le sens de quelques scènes risque de vous échapper mais l''ensemble reste compréhensible.

Avariya - doch menta a été réalisé par Mikhail TUMANISHVILI qui est également l'auteur de Detached Mission (a.k.a Soviet), qui est considéré comme étant la réponse de l'URSS à  Rambo. Avariya - doch menta est un exemple de film d'exploitation à la soviétique. Le ton est un mix entre le neo-polar italien et le drame social. Comme dans beaucoup de série B, le sujet n'est réellement traité que dans la dernière demi-heure. Le reste du film est consacré aux relations plus que difficiles que Valeria entretient avec ses parents. Loin d'être inintéressante, cette partie permet de montrer une partie de la scène underground moscovite de la fin des 80's. Concert punk, metalheads, bikers en virée nocturne, hippies tabassés par la Milice... Pas mal de passages qui montrent que ce type de sous-culture n'était pas réservé à la jeunesse occidentale.

Si le film n'a que de faibles moyens (selon les critères occidentaux) le réalisateur s'en sort plutôt bien. Il tire le meilleur des deux interprètes principaux (Valeria et son père) et sa mise en scène est assez efficace. On a même droit à la fin du film à une course-poursuite en Ladas très spectaculaire. Mikhail TUMANISHVILI arrive surtout à retranscrire l'ambiance pesante qui pèse sur cette famille assez ordinaire et sur la vie quotidienne des moscovites. Valeria, malgré ses frasques d'adolescente, est assez attachante car on comprend qu'il s'agit surtout d'un échappatoire pour fuir un quotidien sinistre. Quand au père, c'est un brave homme qui est près à risquer des ennuis auprès de sa hiérarchie pour sortir sa fille des ennuis où elle se trouve régulièrement. Valeria est son unique enfant et il l'aime. Il y a aussi Moscou, avec ses grands blocs d'habitation qui ne semblent pas finis, ses terrains vagues et ses arrières-cours sales, qui font un décor assez fascinant, presque exotique.

Mais un des aspects les plus intéressants de Avariya - doch menta est son discours politique sous-entendu. Contrairement à d'autres vigilante movies, il ne fait pas réellement l'apologie des méthodes musclées. Il montre surtout l'état de déliquescence de l'outil répressif de l'URSS. Le père de Valeria est un policier de base qui décide de faire justice lui-même plutôt que faire appel à ses collègues. Cela montre bien que plus grand chose ne marchait réellement à cette époque en Union Soviétique: ce type de régime autoritaire doit fonctionner sur la peur et l'efficacité de sa police et des services secrets, étant eux-mêmes soumis à une discipline impitoyable. Si des francs-tireurs se mettent à régler leur compte par eux-mêmes, c'est que l'institution est foutue. C'est un peu le message de certains poliziottesco qui, via les personnages de flics violents, montraient l'effondrement de l'état italien coincé entre la grande criminalité et les attentats politiques. Sauf que l'Italie a toujours été une démocratie où les réalisateurs pouvaient faire à peu près ce qu'ils voulaient tant que les entrées étaient suffisantes.





Musicalement, l'intérêt de ce groupe est relatif, mais j'étais loin d'imaginer que ce genre de concert avait lieu de l'autre côté du rideau de fer.



Vous trouvez que l'ambiance du déjeuner dominical en famille est pesante?


Le père de Valeria, policier.


Clip diffusé à la télé russe.



Des hippies arrêtés par la Police et tabassés par les passants.









Course poursuite en Ladas qui n'a pas à rougir de la comparaison avec les productions impérialistes.

mercredi 14 juin 2017

Bleu comme l'Enfer - 1986 - Yves BOISSET

Franck, policier aux méthodes expéditives, arrête Ned, un jeune truand. Ce dernier s'enfuit en emmenant avec lui la femme du représentant de l'ordre. Une course-poursuite impitoyable commence.

Les films policiers français des années 80 ont un style particulier. Décennie de la honte en ce qui concerne le bon goût, cette période aura détruit tout le savoir-faire cinématographique acquis des générations précédentes. Le policier en costard-cravate à la GABIN ou à la VENTURA n'existe plus, on l'a remplacé par un jeune chien fou en jean et blouson de cuir.  Cette volonté de faire moderne, branché et à l'Américaine a logiquement très mal vieilli. Il n'y a qu'à comparer les films des 70's avec ceux des 80's:  si le temps est une salope, il a été bien plus cruel avec les films sortis sous MITTERRAND que ceux sortis sous GISCARD. Le genre ne s'en relèvera pas pendant quinze ans.

Fin des eighties, début des nineties, les flics français ont disparus des écrans de cinémas pour squatter la petite lucarne. Pouvez-vous me citer un seul bon polar gaulois produit après 1990? Par contre, à la télé, on en aura bouffé du poulaga: Commissaire Moulin, Julie Lescaut, Navarro...

Bleu comme l'Enfer est assez représentatif de son époque et concentre pas mal de clichés. Adapté d'un roman de Philippe DJIAN qui était l'auteur à la mode (37,2 le matin était sorti la même année), il essaie de faire la synthèse de deux genres: tout d'abord celui du film policier à l'américaine avec une poursuite impitoyable où un seul s'en sortira, ensuite celui de l'étude de mœurs d'un couple en crise, typique du cinéma français. Ce mix s'avère plutôt infâme à l'arrivée. La poursuite entre le flic brutal et le jeune voyou n'occupe que les premiers et derniers quarts d'heure du film et sont loin d'être palpitants. Le reste du film n'est constitué que de sous-intrigues plus ou moins abouties qui ne font pas progresser le récit. Hitcher, sorti à peine deux mois plus tard et sans disposer de moyens plus significatifs, est autrement plus réussi. Quand à l'étude de mœurs, elle s'avère inintéressante: on ne croit pas à ces personnages plombés par une écriture et une interprétation approximatives.

Je n'ai pas lu le roman original, mais on sent qu'il a dû être transposé tel quel sur grand écran, sans que l'histoire et l'univers ait été adapté. Dans un article sur DJIAN, il expliquait qu'il inventait ses histoires au fur et à mesure de leur écriture, sans plan établi et sans savoir ce que deviendrait ses personnages. Ce côté décousu peut passer à l'écrit, mais est particulièrement visible à l'écran. Le film n'est pas désagréable à regarder, il est correctement réalisé et Tchéky KARYO est crédible dans son rôle de brute sadique. Il a surtout ce cachet 80's à base de saxophone qui le rend délicieusement ringard. Bleu comme l'Enfer a très mal passé l'épreuve du temps, ce qui paradoxalement le rend intéressant à regarder de nos jours.



Un des adjoints de Franck est joué par Phify qui interprétait un des tueurs de Brigade des Moeurs (Max PECAS)







dimanche 11 juin 2017

La petite Vera - 1988 - Vasili PICHUL

Affiche un poil racoleuse par rapport au film...
La petite Vera a 18 ans. Comme beaucoup de jeunes filles, elle aime sortir avec des garçons, fumer, porter des mini-jupes et faire tourner ses parents en bourriques. Mais la petite Vera ne vit pas à Rome, Paris ou Londres, mais dans un petite ville industrielle perdue en URSS.

Au début des années 80, les dirigeants soviétiques prirent conscience que le communisme était un échec absolu que cela soit sur les aspects économiques, scientifiques ou militaires. Pour éviter que le régime ne sombre, ils nommèrent à la tête de l'Etat un jeune réformateur, Mikhaïl GORBATCHEV, qui mit en place plusieurs mesures censées libéraliser l'économie. Cet ensemble de mesures a été appelée Perestroïka, c'est-à-dire Reconstruction en russe. Parallèlement au volet économique, d'autres directives atténuèrent la censure officielle et permirent une relative liberté d'expression. On appela cet assouplissement la Glasnost (Transparence en russe).

La petite Vera est né dans ce contexte de régime agonisant. Le film fut un choc lors de sa sortie car il montrait une jeunesse soviétique perdue, sans avenir et bien éloignée des idéaux communistes. Cinquante millions de soviétiques allèrent le voir en salles (d'ailleurs il contient la première scène de sexe d'un film soviétique ayant un visa de sortie officielle). La petite Vera est avant tout un drame social sur une gamine qui doit grandir mais n'arrive pas à trouver sa place. Le film est porté par la prestation de son actrice principale dont le personnage passe peu à peu de morveuse immature et insupportable à une jeune femme qui doit affronter ses responsabilités.  

La petite Vera n'est pas réellement critique vis-à-vis du régime, mais montre bien que l'URSS n'était plus le paradis ouvrier qu'il prétendait être. L'intelligence du propos du réalisateur est de ne pas désigner un coupable: on n'est pas dans un mélodrame à la Ken LOACH où les héros sont les victimes de la répression d'un État borné, aveugle et sourd. Vera est né au mauvais endroit et au mauvais moment, mais elle est aussi victime de son comportement et de ses choix. D'ailleurs, à l'exception d'une descente de police lors d'un concert qui vire en bagarre générale, on sent assez peu la répression et la paranoïa d'état. Il est vrai que les personnages ne se mêlent pas de politique, mais leur vie quotidienne n'est pas réellement impactée par la mainmise du parti.

Visuellement, le film est assez moche: tourné en caméra à l'épaule et en lumière naturelle, il souffre d'une qualité d'image médiocre, particulièrement pour les scènes nocturnes. Cependant le réalisateur, dont c'était le premier film, n'a pas forcément eu les moyens qu'il désirait.

Le film fut distribué en Occident, et Natalya NEGODA acquit une telle notoriété qu'elle posa nue en couverture de Play Boy.