lundi 18 décembre 2017

Tueurs - 2017 - François TROUKENS & Jean-François HENSGENS


Au début des années 80, la Belgique fut frappé par une série de braquages extrêmement violents qui firent 28 morts pour des butins dérisoires. Trente ans plus tard, Frank VALKEN, récemment échappé de prison, monte un braquage particulièrement audacieux. Au moment de sa fuite, un commando de tueurs abat les témoins selon la même méthode que la bande d'assassins de jadis. 

Tueurs s'inspire de l'affaire des tueries du Brabant, qui ensanglantèrent le Royaume de 1982 à 1985. Tentative de déstabilisation de la Belgique dans le cadre de la Stratégie de la Tension? Actions de l'Extreme-Droite en vue d'un coup d'état? Œuvres de psychopathes? A ce jour le mystère reste entier malgré de récents rebondissements où un ancien gendarme d'une unité d'élite est fortement soupçonné d'avoir été un des tueur. Le film est assez proche des œuvres pamphlétaires du Yves BOISSET des années 70: Tueurs dénonce une collusion entre certaines institutions de l’État belge et les tueurs, un peu à la manière d'un Juge Fayard. On sent également l'influence d'un Michael MANN avec une vision idéalisée de VALKEN et de sa bande: ces voyous sont des professionnels qui ne commettent aucune erreur lors de leurs actions, ils conduisent des grosses cylindrées allemandes et habitent des maisons luxueuses. Ils forment une fraternité et ont un code d'honneur. Il y a également quelques scènes de poursuites nocturnes sur fonds de synthétiseurs. On est plus proche du beau mec flamboyant que du petit délinquant minable à la PUSHER. Ce n'est pas forcément très crédible, mais ça a le mérite d'être distrayant. On est plus chez Olivier MARCHAL que dans Engrenages.

Le film a quelques défauts notamment en ce qui concerne l'écriture des personnages qui sonnent très cliché: Olivier GOURMET joue Frank VALKEN, un truand qui veut tenter un dernier coup avant de partir à la retraite. A ses côtés, l'excellent Kevin JANSSENS incarne un jeune chien fou à la détente facile. Face à eux, Lubana AZBAL est une fliquette déterminée qui est prête à envoyer balader sa hiérarchie pour faire éclater la vérité, Bouli LANNERS est un haut-gradé de la Police qui veut cacher certains secrets de son passé. En fait le problème du film vient qu'il est trop court pour le matériel qu'il exploite: on sait qui sont ces personnages, mais pas pourquoi ils en sont arrivés là. De ce fait, certains rebondissements semblent sortir de nulle part. C'est dommage car le film est plutôt bon: les comédiens sont crédibles, la réalisation tient la route avec de très bonnes scènes d'action. Il y a quelques facilités dans le montage comme le fait de montrer une scène choc puis après d'enchainer sur un flashback censé expliquer le déroulement des derniers jours. Mais le principal souci est que la durée (1h28!) ne permet pas d'approfondir l'histoire comme elle le mériterait. Quand on voit l'importance du sujet, le format cinéma n'était peut-être pas le plus approprié, un mini-série aurait certainement plus convenu. Cependant, j'ignore les dessous de la production et les auteurs n'ont peut-être pas eu la possibilité de mener à bien leur vision.

Tueurs est un bon polar qui aurait pu être excellent s'il avait pu venir à bout de son histoire. Le spectacle est agréable mais laisse l'impression qu'il aurait pu être bien meilleur.

lundi 11 décembre 2017

Revenge - 2017 - Coralie FARGEAT


Trois hommes dans la quarantaine, entrepreneurs aisés, partent en week-end de chasse. L'un d'entre eux a amené sa maitresse, une provocante jeune fille d'une vingtaine d'années. Les choses vont très vite déraper et la traque va commencer.

Comme son titre et son sujet l'indiquent, ce film est un mix de Rape and revenge et de survival. Revenge est une déclaration d'amour au genre et au cinéma d'exploitation. Que nous vend l'affiche et que voit-on à l'écran: une bombasse en petite tenue qui flingue des ordures à coup de fusil à pompe. Le film est une pure Série B comme le cinéma français n'en fait que trop peu. Malgré des moyens financiers certainement réduits, Revenge ne fait absolument pas cheap. La réalisation est efficace avec des effets gores très réussis. Les acteurs s'en sortent très bien, notamment Matilda LUTZ dont le personnage évolue de la petite bimbo à la justicière sanglante. En chef de la meute des ordures, Kevin JANSSENS est impressionnant dans un personnage particulièrement odieux.

Ce que j'apprécie beaucoup dans Revenge, c'est que le film est très premier degré, sans être réaliste. Il ne joue pas la carte du second degré et de la référence. Le souci que j'ai avec les films qui veulent rendre hommage à un genre, c'est la tendance qu'ont les réalisateurs à appuyer sur les références, ce qui a tendance à me sortir du film tant j'ai l'impression de regarder un reportage sur l'histoire du cinéma. Cela donne même parfois l'image d'un certain cynisme et d'un respect plus que limité pour le genre. Tandis que pour Revenge, Coralie FARGEAT ne cède pas à la tentation de la punchline inutilement badass ou du clin d’œil vulgaire, elle respecte son histoire et ses personnes. Il y a un paquet d'invraisemblances dans Revenge, par exemple la quantité de sang que perdent les protagonistes n'est pas possible d'un point de vue médical, de même l'héroïne est capable de parcourir des distances phénoménales  dans le désert et de distancer ses poursuivants motorisés alors qu'elle est pieds nus. Mais ces détails rappellent qu'on ne doit pas prendre le film au sérieux, on est dans un rape and revenge bourrin, pas chez Ken LOACH. Le spectateur est présent pour voir des têtes explosées au fusil de chasse à gros calibre, pas pour voir un metteur en scène réciter la liste des films qu'il a vu.

Revenge n'est pas est film féministe selon moi, sauf à considérer que l'emploi du fusil à canon scié est préférable à une action policière et judiciaire. Si on doit trouver un message politique à Revenge, il serait plutôt à chercher du côté des rapports de forces sociaux et de la lutte des classes: le film montre trois hommes aisés qui pensent que leur argent leur donnent tous les droits et qui n'hésitent pas à recourir à la violence. Habituellement dans les films de vigilantisme, ce sont plutôt les prolos ou les rednecks qui sont montrés comme nuisibles et exterminables. Paul KERSEY (le héros de Death Wish, figure iconique de la victime qui prend les armes) est un bourgeois dont la femme et la fille sont sauvagement par des jeunes loubards issus des quartiers défavorisés. Ce schéma que l'on retrouve dans la plupart des vigilante movie a donné un connotation fasciste au genre. A mon sens c'est ce qui a nui au genre, bien plus que la justice personnelle proprement dite. 

Revenge est l'exemple de ce que peut être le bon cinéma de genre à la française. Le sujet est traité intelligemment et avec respect. Ce n'est pas un chef-d’œuvre, cela ne révolutionne pas grand chose, mais c'est un très bon film. J'attends de voir les prochains films de la réalisatrice.

lundi 4 décembre 2017

Deprisa, deprisa! - 1981 - Carlos SAURA


Titre français: Vivre vite! (Le titre français est un contresens: Deprisa veut dire vite en espagnol, c'est ce que les jeunes braqueurs disent à leur victime.)

Pablo et Meca sont deux jeunes voleurs de voitures vivant dans la banlieue de Madrid au début des années 80. Pablo tombe amoureux d'Angela, une jeune serveuse. Avec l'aide de Sebas, ils vont monter des braquages plus audacieux.

Deprisa, deprisa! est une co-production franco-espagnole et est, d'après ce que je sais, le seul film du genre quinqui a avoir été distribué en France. Il a également remporté l'Ours d'Or au festival de Berlin. Au début de l'année 2017, il a été édité en DVD chez l'éditeur Tamasa.

C'est une version espagnole de Bonnie et Clyde: Pablo et Angela sont deux marginaux qui n'ont qu'eux-mêmes pour survivre. On ne sait pas grand chose d'eux, sur leur passé mais on devine qu'ils n'ont pas dû avoir la vie très facile, entre l'éducation à coup de ceinture et les passages en maison de correction. Le ton du film se veut assez réaliste, sans trop verser dans la teensploitation vulgaire et racoleuse ou les fulgurances poetico-pouet pouet dont est capable le cinéma français. Carlos SAURA a l'intelligence de ne pas légitimer les actes des ses protagonistes sans les accabler. Ce ne sont ni des victimes de l'oppression sociale, ni d'odieux truands, mais simplement des gamins qui essaient de survivre. Ils ne veulent pas être Tony MONTANA, ils ont des rêves simples, presque enfantins, mais ne pourront les concrétiser parce qu'ils font le choix de faire des conneries.

La direction d'acteur est assez remarquable: les acteurs, sans livrer des prestations exceptionnelles, sont plutôt bons, bien qu'aucun d'entre n'ait eu la moindre expérience de comédiens. Comme le veut le genre quinqui, il s'agit de jeunes délinquants ayant été recrutés par casting sauvage, donc ne doivent pas être les acteurs les plus faciles à diriger. Ils collent physiquement à leur personnage et n'ont pas des têtes de jeunes premiers qui sortent une école de comédiens.

Deprisa, deprisa! est un très bon film, qui avec beaucoup de justesse, montre une jeunesse espagnole qui passe à côté du train de la transition démocratique et des espoirs qu'elle a suscité (métaphore employée à plusieurs reprises dans le film). Il y a également cette ambiance trash et déglinguée de l'Espagne post-franquiste avec ses banlieues crades et ses barres d'immeubles pourries. L'excellente musique provient de tubes pop-rock hispanophones de l'époque. Bref, j'aime beaucoup!



Un juke-box, quelque-chose que l'on ne voit plus de nos jours.

 Pablo, interprété par José Antonio VALDELOMAR dont c'est l'unique rôle au cinéma. Mort à 34 d'une overdose d'héroïne.

Angela, interprétée par Berta SOCUELLAMOS dont c'est également l'unique rôle au cinéma.



 Sebas, également le seul rôle de l'acteur




Durant une scène, la petite bande visite un monument dédié aux victimes de la Guerre Civile. Il s'agit de statues religieuses ayant été saccagées par les Républicains. Dans l'Espagne post-franquiste, la scène a du faire réagir les spectateurs.