mardi 1 décembre 2020

Le Couteau sous la Gorge - 1986 - Claude MULOT


Une jeune mannequin pour photos érotiques est traquée par un mystérieux tueur.
 
Le Couteau sous la Gorge est l’œuvre de Claude Mulot, réalisateur de bis français qu'on commence à redécouvrir (notamment grâce aux rééditions du Chat qui Fume). Il a œuvré dans divers genres, le fantastico-gothique à base de femme défigurée et de nains ou le polar provincial à la Chabrol avec supplément baston. Il a également signé plusieurs pornos ou films érotiques vaguement intellectualisant dans les 70's et a été scénariste de Max PECAS. J'ai l'air de me moquer, mais il a un parcours vraiment atypique et ses films sont, sans être des chefs-d’œuvre, assez réussis et intrigants. 

Il s'agit ici de son dernier long-métrage, et clairement pas une réussite. Il s'agit d'une tentative de giallo à la française, avec tueur aux gants de cuir, jeune demoiselle traquée et un peu d'érotisme. Il est surprenant de voir un giallo datant de 1986, alors que le genre était déjà mort depuis longtemps à force de tourner en rond. Ensuite, si MULOT était assez talentueux, il lui manque le savoir faire à l'italienne et les compétences techniques: pour la lumière, la musique, les décors ou les costumes, on voit qu'on n'est pas dans un production transalpine. Or, c'est ce qui fait le charme des meilleurs réussites de ce sous-genre. Le Couteau sous la Gorge ressemble plus à décalque maladroit et très bricolé, qu'à un hommage. Dans les bonus du Blu-Ray sorti chez Le Chat qui Fume, l'actrice Florence GUERIN parle de problèmes financiers dans la production (sans qu'elle en sache plus), ce qui se voit à l'écran avec la direction d'acteurs approximatives, la mise en scène banale et le sentiment que tout a été fait dans l'urgence.
 
C'est dommage que Claude MULOT termine sa carrière sur un tel échec: c'était un réalisateur bis qui aimait le genre et voulait en faire sa version. Mais c'était certainement voué à l'échec dès le départ car il ne pouvait trouver en France les techniciens et les connaissances nécessaires. Au final, Le Couteau sous la Gorge ressemble à un Z certes mauvais, mais pas désagréable. Après tout le giallo compte aussi de nombreux mauvais exemples fait par de très médiocres artisans. Mais dans le cas présent, c'est l’œuvre d'un passionné qui a essayé, amoureux des lames tranchantes dans l'obscurité et des petites mélodies entêtantes, pas d'un vulgaire Yes-man attendant son chèque.
 
 


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Le Couteau dans la Gorge est ressorti chez Le Chat qui Fume en Blu-Ray avec son et image impeccables et plusieurs bonus: deux interviews de Florence GUERIN et Brigitte LAHAIE, ainsi que Black Venus réalisé par Claude MULOT. Il s'agit d'un film érotique datant de 1983: pour être honnête, c'est très gentillet, pour ne pas dire niais. Mais ce n'est pas désagréable pour autant: le budget est conséquent pour ce type de productions (décors, figurants, costumes...), l'histoire est stupide mais pas pire que d'autres et Claude MULOT est loin d'être un incompétent derrière la caméra. Si les deux actrices principales jouent très mal, elles ont également une plastique impeccable. Le spectateur a droit à la sublime Florence GUERIN et surtout Joséphine Jacqueline JONES, une ancienne Miss Bahamas dont la carrière se résume à quatre films et dont Black Venus semble être le sommet.


Black Venus est une curiosité sympathique, il date de l'époque des films érotiques tournés en pellicule et des moyens financiers corrects. Ce n'est pas inoubliable, mais constitue un double programme sympathique.

 
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En 2018, Yann GONZALEZ a sorti Un Couteau dans le Coeur qui raconte l'histoire d'une photographe érotique traquée par un tueur au couteau. Coïncidence? Je ne pense pas.


 

dimanche 18 octobre 2020

Le Jardin des Supplices - 1976 - Christian GION

 

En Chine, durant les années 20...Un jeune médecin est obligé de fuir la France suite à diverses affaires de mœurs. Il est envoyé en Extrême-Orient.

Un film par l'auteur des Diplômés du dernier rang avec Patrick BRUEL... Quand on voit le nom de GION sur l'affiche d'un film, on peut légitimement peur avoir tant il est associé à la comédie ringarde des années 70/80's. Mais dans ce cas, ça tient presque du délit de sale gueule.  

Le Jardin des Supplices est un film mêlant érotisme et Orient, afin de surfer sur la vague du carton d'Emmanuelle. Mais loin d'être une comédie lourdingue ou un film d'aventures kitsch, c'est un récit assez sombre avec des relents de fantastique. Dans une Chine en proie aux conflits révolutionnaires entre nationalistes et communistes, GION dresse un portrait d'une pseudo-élite diplomatique occidentale qui s'avère perverse et décadente. Loin d'être la promesse de lendemains meilleurs, la Révolution en cours dans le pays (qui traverse le film mais qui n'est jamais montrée) annonce surtout de nouveaux bains de sang. Le film ayant été tourné principalement en région parisienne (l'équipe n'a pas eu l'argent pour aller en Asie), les scènes extérieures sont systématiquement nocturnes, ce qui renforce le côté crépusculaire et catastrophique du film. A certains moments, l'ambiance n'est pas sans évoquer les récits d'Edgar Allan POE et plusieurs scènes virent presque au film d'horreur.

Le film vient d'être réédité chez l'éditeur Le Chat qui Fume et contient en bonus une interview de Christian GION: il retrace son parcours (on apprend qu'il est diplômé d'HEC!) et lorsqu'il parle du Jardin des Supplices, il ne le considère pas comme un film personnel. Au contraire de ses comédies qu'il adore, il s'agit pour lui d'un film de commande dont il est très fier, mais dont il n'est pas à l'origine.

Le Jardin des Supplices n'est pas un chef-d’œuvre, mais reste une curiosité surprenante qui mérite le visionnage.




 


mercredi 9 septembre 2020

Course contre l'Enfer - 1975 - Jack STARRETT

 

  

Titre original: Race with the Devil 

 Deux couples de paisibles partent en vacances en camping car. Ils vont croiser la route d'une secte satanique.

Une série B 70's réalisée par Jack STARRETT, habile artisan de l'exploitation, mais connu du grand public pour avoir été le shériff sadique du premier Rambo (celui qui se tue en tombant de l'hélicoptère). D'autres noms célèbres au générique: Warren OATES, collab' régulier de PECKINPAH, mais surtout Peter FONDA qui, après avoir joué les motards hippies tentait des rôles un peu plus convenable. Au scénario, on a droit à Lee FROST et Wes BISHOP, un duo qui s'attacha à livrer, avec plus ou moins de bonheur, divers produits pour le circuit des salles de la 42nd Street (Black Gestapo, Chrome and Hot Leather...).

Comme le budget n'est pas lourd, la structure du film est très simple et ressemble à 99% de la prod' bis: une scène choc au début, puis de la discussion et quelques rebondissements servant à meubler pendant une bonne partie du métrage. Lors du dernier acte, l'argent est dépensé dans une très efficace séquence d'action (malgré quelques raccords un peu foireux). Même si le rythme est parfois un peu lent, STARRETT sait instiller une atmosphère inquiétante dans cette Amérique profonde qui peut basculer en quelques secondes dans l'horreur pure: avec un simple plan sur un figurant ou un regard d'un acteur, le spectateur se sent traqué par cet ennemi invisible. 

Même si ce n'est pas un chef-d’œuvre, Course contre l'Enfer est sympathique et efficace série B. C'est un film qui témoigne de la façon dont l'horreur était filmée dans l'Amérique post-Vietnam: la peur ne devait plus venir d'une monstre sanguinaire ou d'un savant fou réfugiés dans des cryptes, mais d'individus lambdas vivant au grand jour.




 




dimanche 23 août 2020

Stone Cold - 1991 - Craig R. BAXLEY

  

Joe HUFF est flic en Alabama et a des méthodes plutôt expéditives. Accessoirement, il a une coupe mulet. Alors qu'il est suspendu trois semaines suite à diverses incartades, il se voit confier une mission par le FBI: infiltrer un dangereux gang de bikers qui projette d'assassiner un procureur.

Stone Cold a été réalisé par Craig R. BAXLEY, également responsable du sympathique Dark Angel (avec Dolph LUNGDREN). La tête d'affiche est Brian BOSWORTH, star du foot US (Linebacker pour les Seahawks de Seattle) qui tentait une carrière sur grand écran. Parmi les seconds rôles, on a William FORSYTHE en homme de main frappadingue et Lance HENRIKSEN en chef sadique (Y a même Paul TOCHA, ancienne star de films HK de ninja qui fait un petit coucou).

Au vu de ces éléments et du pitch, vous aurez compris que Stone Cold est une pure série B bien burnée! Il y a TOUS les clichés que l'on peut attendre de ce genre de film, absolument TOUS! Joe HUFF, c'est le flic bourrin et cool tel qu'on le concevait dans les 80's qui ferait passer Marion COBRETTI pour un Démocrate partisan du contrôle des armes. Stone Cold est un des derniers exemples d'actioner tel qu'on les concevait dans les 80's, avec ce mélange d'outrance, d'insouciance et d'opportunisme. C'est une tentative beaucoup trop tardive de lancer une nouvelle star bodybuildée censée concurrencer l’Étalon italien ou le Chêne autrichien. Le film a logiquement fait un flop car ringard dès sa sortie, mais depuis il semble avoir gagné un statut culte aux US.

Pour être honnête, si Stone Cold est sympathique, il ne s'agit pas non plus d'un chef-d’œuvre et reste très en-dessous en terme de WTF de films comme Commando ou Cobra. S'il comporte un lot assez conséquent d'énormités, il lui manque le petit quelque chose qui en aurait fait un sommet du genre. Le principal problème est Brian BOSWORTH qui, malgré un physique impressionnant manque clairement de présence et de charisme à l'écran (il faut dire qu'il n'est pas aidé par son invraisemblable mulet bicolore). Mais on ne s'ennuie pas, les scènes d'action sont efficaces, les seconds rôles sont en roues libres et le budget se voit à l'écran (25 M$, ce qui est une somme importante pour l'époque).

 


Un jeu assez rigolo que pratiquent les motards...


William FORSYTHE en mode roue libre

Une bonne petite baston dans un bar de bikers!




 Sans commentaires...


 

 

dimanche 14 juin 2020

Vice Squad - 1982 - Gary SHERMAN




Princess, une prostituée de Los Angeles, collabore avec la police afin qu'elle arrête un proxénète qui a tué une de ses amies. Celui-ci parvient à s'échapper et va chercher à se venger de celle qui l'a dénoncé.

Vice Squad est un bel exemple de film d'exploitation, avec ce qu'il faut de vulgarités et d'obscénités, mais fait avec suffisamment de talent pour être considéré comme un petit classique dans son domaine. Le mac tueur est interprété par Wings HAUSER, vétéran de la série B: il incarne ici une espèce de machine à tuer froide, cinglée et quasi-inarrêtable. Son personnage, qui rôde dans le Los Angeles nocturne du début des 80's, constitue un brouillon du futur Terminator (selon l'intéressante interview de JB THORET). Le film est surtout un prétexte à une exploration de la faune glauque et interlope de la Cité des Anges: tapins, pimps, michetons, gangs gays... L'ensemble est photographié par John ALCOTT (chef op' de KUBRICK sur notemment Barry Lindon) et est magnifique rendu à l'écran avec les néons se reflétant sur le macadam humide.

Attention, ne vous attendez pas à un chef-d’œuvre, on est assez loin de l'ambiance de Cruising. Ce n'est pas non plus Les Flics ne dorment pas la nuit pour la réflexion sur le rôle d'une police totalement dépassée par les évènements et ne servant qu'à colmater les trous. Vice Squad est avant tout une petite série B bien sympathique qui ne demande qu'à être redécouverte.























lundi 8 juin 2020

Massacre au camp d'été - 1983 - Robert HILTZIK




Titre original: Sleepaway Camp

Enfant, Angela a été victime d'un terrible accident de bateau qui fit périr son père et son frère. Quelques années plus tard, alors qu'elle a été recueillie par sa tante, elle part en camp de vacances avec son cousin. Mutique, elle est la cible des moqueries des autres adolescents. Mais un tueur rôde...

Massacre au camp d'été est un pur slasher produit à la grande époque du genre. A l'exception du tueur looké, il respecte globalement les codes (jeunes qui font la fête, meurtres sanglants, boogeyman ...). Pour être honnête, les 84 premières minutes sont correctes, mais souffrent de quelques défauts. L'interprétation de certains acteurs est bancale (d'ailleurs pas spécialement aidés par la VF), la mise en scène est banale malgré quelques scènes réussies et surtout il y a de grosses invraisemblances: comment imaginer qu'un camp de vacances pour jeunes adolescents où ont eu lieu quatre morts puisse continuer à fonctionner sans que les autorités interviennent? Certaines choses sont assez surprenantes dans un teenage movie (le personnage du cuisinier pédophile, la cruauté dont est victime Angela n'est pas sans rappeler le martyr de Carrie...), mais le résultat n'est guère plus qu'honnête. A la décharge du réalisateur, il s'agit d'un premier film et le budget semble avoir été très faible.

Puis arrive la fin, et subitement quelque chose change dans l'atmosphère du film. On ne comprend pas ce qui se passe jusqu'à la révélation finale, qui garde encore son impact de nos jours. D'ailleurs, Massacre au camp d'été fait partie de ces rares films dont l'impact est décuplé lors du second visionnage: quand on en connait les tenants et les aboutissants, l'histoire est encore plus horrible. Surtout qu'elle ne semble pas si invraisemblable (je ne parle pas de ce qui se passe au camp de vacances, mais des évènements qui ont précédés).

J'ignore si le film a eu du succès à l'époque, mais il est devenu culte par la suite. Robert HILTZIK n'a malheureusement pu capitaliser et faire carrière dans l'industrie du divertissement: Massacre... est son unique réalisation (à l'exception d'un remake/suite en 2009) et il s'est reconverti en juriste.


lundi 18 mai 2020

Le Couteau de Glace - 1972 - Umberto LENZI



Enfant, Martha a assisté à la mort tragique de ses parents lors d'un accident ferroviaire et en a perdu la parole. Devenue adulte, elle vit chez un de ses oncles. Une cousine, cantatrice, leur rend visite. Cela va être le début d'une série de meurtres.

Un giallo assez surprenant: j'ai pas réellement apprécié, mais j'ai pas non plus détesté. Il y a la trame et beaucoup d'éléments du sous-genre (l'histoire policière ténébreuse, la femme traquée par un regard, les meurtres qui s'enchaînent, l'atmosphère bourgeoise, la psychologie à deux balles...) mais cependant il manque des choses essentielles au genre (les meurtres sont filmés hors-champ et sont peu sanglants, le côté vulgaire et trash est absent...). Pour un film de LENZI, le ton est très peu racoleur et étonnamment soft.

Le film essaie d'avoir une atmosphère à la limite du fantastique, avec des moments assez proches du gothique. Certaines scènes sont tournées dans des lieux religieux (église, cimetière...) entourés de brouillard, on a presque l'impression de regarder un film de Lucio FULCI. Le domestique, une armoire à glace habillée de noir au visage anguleux, ressemble à s'y méprendre à un personnage d'un film de la Hammer. Comme dans tout bon giallo, on a droit à des fausses pistes et un rebondissement final, mais alors qu'habituellement le twist ultime s'avère souvent ridicule, dans Le Couteau de Glace il donne un autre ton au film.

C'est bizarre, je m'attendais pas réellement à ça. C'est un film particulier.

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Le film vient d'être réédité par l'éditeur Le Chat Qui Fume dans une très belle édition qui inclut la musique en CD. Comme d'habitude, il y a des bonus très intéressants avec deux interviews de LENZI et une autre de Jean-François RAUGER.








dimanche 10 mai 2020

Holocauste 2000 - 1977 - Alberto DE MARTINO




Un homme d'affaires entreprend de construire une centrale nucléaire. Peu à peu, d'étranges phénomènes vont l'amener à penser qu'il s'agit de la Bête de l'Apocalypse.

 
Quand un film a 2000 dans son titre, on sait qu'il date au moins des années 70's. Et on réalise que les distributeurs français avaient de putains de goûts douteux à cette époque.

Holocauste 2000 est film fantastique italien trèèèsss inspiré par La Malédiction de Richard DONNER sorti l'année précédente. DE MARTINO avait déjà signé en 1974 une copie de L'Exorciste nommée L'Antéchrist. Holocauste 2000 n'est pas fondamentalement un mauvais film si on accepte le fait qu'il s'agisse d'une copie italienne d'un succès américain. Il ne faut pas s'attendre à beaucoup de créativité ou d'originalité: l'ensemble est très balisé et ne réserve pas beaucoup de surprises. Il y a également quelques raccourcis/incohérences/facilités scénaristiques qui feront, dans le meilleur des cas, sourire. Et surtout, on a droit à une fin un peu trop ouverte, qui laisse présager d'une suite qui n'est jamais venue ou de l’incapacité d'un réalisateur à conclure son récit. Cependant, il existe une fin alternative qui, si elle offre une conclusion, est tellement faite de bric et de broc qu'on en préfère la version originale.

Mais dans l'ensemble, le spectacle reste sympathique. D'abord, la musique signée Ennio MORRICONE est excellente. Ensuite, on a droit à Kirk DOUGLAS, star alors sur le déclin, mais toujours charismatique (d'ailleurs, je me demande comment il a atterri sur ce projet, ). On a droit à ces excès typique du bis rital, ces fulgurances de mauvais goût inutilement gores qui réjouissent le spectateur et montrent qu'il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Mais surtout, on a droit à une scène totalement What The Fuck qui justifie à elle seule le visionnage du film: sans trop spoiler, il s'agit d'une scène de rêverie, assez proche de ce qu'on pouvait trouver dans les giallo, et qui montre que Kirk DOUGLAS devait croire à ce film.

dimanche 8 mars 2020

Kriegerin - 2010 - David WNENDT



En ex-Allemagne de l'Est, Marisa ,une jeune fille de 20 ans, traîne avec des néo-nazis. Sa rencontre avec un jeune réfugié afghan et une gamine de 14 ans qui cherche à rentrer dans la bande vont l'amener à changer.

Kriegerin (Guerrière en français) n'est pas un film sur le danger d'une résurgence de la peste brune outre-Rhin. Il s'agit plutôt du portrait d'une jeune femme un peu paumée qui se retrouve à un moment de sa vie où elle va devoir faire des choix et les assumer. Loin d'être une militante politique pure et dure, c'est avant tout une fille qui traîne avec des nazillons par dépit et par ennui. On se rend rapidement compte qu'elle a le même comportement que les racailles qu'elle prétend combattre.

Le film repose beaucoup sur l'interprétation de son actrice principale, l'excellente Alina LEVSHIN, dont la carrière se poursuit principalement à la télévision allemande. Mais le reste du casting est également très convaincant. L'histoire se déroule dans l'Ex-Allemagne de l'Est qui a subi de plein fouet la désindustrialisation et l'entrée dans l'économie de marché, la mise en scène retranscrit parfaitement le contexte déprimant et sans avenir de l'univers de cette jeune skinhead, avec ses barres d'immeubles coincées au milieu de nulle part.

Si le réalisateur est précis et crédible quand il décrit l'univers familial de l'héroïne, il ne cherche jamais à justifier ni même à expliquer les raisons qui la poussent à agir. Si on sait beaucoup de choses sur elle (histoire familiale compliquée avec un père absent depuis longtemps, horizon professionnel difficile...), on ne sait pas finalement pourquoi elle est devenu ainsi. Certes, le spectateur sait que le grand-père de Marisa, à qui elle est très attaché, est un vétéran de la Wehrmacht, mais cela n'apparait pas être suffisant. A la différence de certains films qui confondent psychologie du personnage et gros sabots, Kriegerin ne donne pas de raisons à son comportement de nazillonne, seulement des pistes. De même, son changement d'attitude n'est pas réellement justifiée: si un évènement apparait comme déclencheur (un accident de voiture dont elle est responsable), il n'en est certainement pas l'unique raison. Après tout, les choix et les décisions de Marisa n'appartiennent qu'à elle et ce n'est pas au spectateur de juger ses raisons.











lundi 2 mars 2020

Death Weekend - 1976 - William FRUET


Titre alternatif: The House by the Lake

Un couple en week-end à la campagne va croiser la route d'un groupe d'autochtones agressifs.

Death Weekend est un rape and revenge canadien: il appartient à cette vague de films qui profitèrent d'exonérations fiscales pour relancer l'industrie cinématographique locale et lança David CRONENBERG. Si le film respecte le cahier des charges de ce sous-genre, il ne s'agit pas non plus d'un produit d'exploitation bas-du-front et outrancier: le réalisateur distille une réelle angoisse et le climat est particulièrement glauque. Il y a même des bonnes idées qui parsèment le film, notamment dans la description du couple: on est presque déçu qu'autant de bonnes idées ne soient pas mieux exploitées.
Avec un bon casting de rednecks qui sent la consanguinité et l'alcoolisme fœtal et un approche sèche et anti-psychologique, William FRUET délivre un film très malsain qui impressionne toujours, plus de 40 ans après. Pour les cinéphiles, un scène permet de constater qu'il s'agit d'une source d'inspiration évidente du film Calvaire. Au rayon des défauts, le film est très laid avec une photo affreuse, certainement imputable au budget riquiqui. Mais ce n'est pas suffisant pour gâcher le spectacle.








mardi 11 février 2020

Full Tilt Boogie - 1997 - Sarah KELLY




Full Tilt Boogie est un documentaire qui retrace le tournage du film Une Nuit en Enfer. Habituellement, ce type de projet n'est destiné qu'à servir d'outil de promotion publicitaire et ne consiste qu'en auto-congratulations et bullshit de communicant. Mais la qualité de ce documentaire lui a valu de connaitre une diffusion en festival ainsi qu'une sortie, certes limitée, au cinéma. On ne voit qu'assez peu les stars (TARANTINO, CLOONEY ou RODRIGUEZ) mais leurs rares interventions sont intéressantes, car s'attachent à démonter certains procédés narratifs (le mécanisme de l'horreur, la façon d'écrire des dialogues...). Ou bien il s'agit de moments pris sur le vif de la vie hors tournage (si vous voulez voir Juliette LEWIS dans un karaoké ou Georges CLOONEY se faire dragouiller par une fan...).

La véritable originalité de ce documentaire est d'accorder essentiellement la parole aux techniciens de l'ombre, ces petites mains sans qui la magie du cinéma serait beaucoup moins impressionante. On a droit, en vrac, aux confidences de l'assistante de Quentin TARANTINO ou des assistants réalisateurs, les galères de la chef-décoratrice pour construire le Titty Twister, les histoires de coucheries sur le plateau, le coordinateur des figurants...  Même le type chargé d'apporter les cafés sur le tournage a droit à sa petite séquence. Tout ne se vaut pas et tout n'est pas passionant, mais l'ensemble s'avère bien sympathique.

Mais la partie la plus intéressante est celle consacrée au conflit syndical ayant eu lieu sur le tournage: les syndicats américains n'ont pas la réputation d'être des tendres et ils pèsent toujours d'un poids significatif dans l'industrie du spectacle. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils font des propositions qu'on ne peut refuser, surtout si on aime les chevaux, mais leur histoire a souvent été sulfureuse. Assez régulièrement, une profession (scénaristes, acteurs...) fait grève pour renégocier certains accords et les conflits peuvent durer plusieurs semaines, bloquant tous les tournages des grands studios.

Robert RODRIGUEZ et Quention TARANTINO ont souvent eu des relations compliquées avec le syndicat de réalisateurs (DGA: Directors Guild of america). Le premier occupant plusieurs postes au générique (réalisateur, cadreur, monteur...) ce qui est contre les règles en vigueur à Hollywood, le second n'adhérant que très tardivement la DGA (2012 selon Wikipédia). Sur le tournage d'Une Nuit en Enfer, il y eut plusieurs menaces de grèves et d'arrêts de travail. Dans le documentaire, nous n'avons droit qu'à la version de TARANTINO et de son producteur Lawrence BENDER, les responsables syndicaux n'ayant pas souhaité s'exprimer (surtout que le tournage de Full Tilt Boogie se fait hors des règles syndicales). Mais on sent bien qu'il s'agit surtout de luttes de pouvoir, d'influence et/ou d'ego, entre des syndicats bien installés dans le système et une nouvelle génération de réalisateurs indépendants cherchant à s'émanciper, que d'un réel souci de défendre les droits des travailleurs.


mercredi 29 janvier 2020

Elsa Fraulein SS - 1976 - Patrick RHOMM



Une colonel SS qui doit conduire un train remplies de péripatéticiennes vers le front de l'Est, elle doit également espionner les ébats des officiers et détecter ceux qui ne seraient plus fidèles envers le Führer ou exprimeraient des sentiments défaitistes.


La nazisploitation doit être le sous-genre le plus taré et paradoxalement le plus inoffensif du cinéma d'exploitation. Il s'agit d'exhiber les supposées perversions sexuelles du IIIieme Reich, dans un décor de camp de concentration. Dérivé d’œuvres plus réputées (Les Damnés de VISCONTI, Portier de Nuit) le but de ce type de films n'a heureusement pas survécu au 70's. Dépourvu de tout discours politique, en dépit des apparences, le but n'était que de montrer des scènes scabreuses et vulgaires.

De nos jours, il peut paraitre surprenant que des producteurs aient eu l'idée de ce genre: malgré l’appât du gain, un minimum de décence et surtout la pression du public rendent la sortie de ce type de film totalement impossible. Mais on oublie que pendant longtemps, la perception de la Shoah fut très différente auprès du grand public de ce qu'elle est actuellement: au sortir de la Guerre, on n'avait pas forcément conscience de ce qui avait eu lieu dans les camps. Les gens voulaient oublier ce qui s'était déroulé et souhaitaient passer à autre chose. Les déportés qui revinrent ne furent pas accueilli comme des héros, ils durent se battre pour que l'on reconnaisse ce qu'ils avaient vécu. Les survivants eurent du mal à parler de ce qui s'était passé, de ce qu'ils avaient vécu et beaucoup se turent, par honte ou par crainte de ne pas être cru. L'information ne circulait pas aussi facilement que maintenant, les images étaient plus rares. Le grand public mit énormément de temps à comprendre ce qui s'était passé. Pendant longtemps, les nazis ne furent que les "méchants" du film, on ne parlait pas du caractère monstrueux du régime hitlérien. Les films sur la Seconde Guerre étaient avant tout des histoires d'aventures avec un conflit en toile de fond. Même un cinéaste comme Steven SPIELBERG a regretté d'avoir fait des SS, dans les Indiana Jones, des méchants qu'on aime détester.

Elsa Fraulein SS, c'est la nazisploitation de chez Eurociné, les plus bas-fonds du cinéma bis/exploitation. Le genre le plus naze et racoleur par la société de production la plus fauchée...  A la lecture du résumé, vous aurez compris qu'on frôle les abimes les plus profonds de la connerie. C'est très fauché, les stock-shots pullulent, les figurants sont mal habillés et transpirent la démotivation, c'est fait sans talent ni ambition artistique. La plus grande (et la seule) qualité du film étant d'assumer totalement sa bêtise et de ne prétendre à rien d'autre qu'à être un vulgaire produit de cinéma d'exploitation. On ne cherche pas à dénoncer la fascination pour le mal, mais juste à montrer des culs.

Mais si le film étale sa stupidité durant près de 90 minutes, une scène détonne par sa gravité: lors du trajet, un officier SS voit la porte d'un wagon s'ouvrir , surgissent alors des déportés en route vers les camps. D'un point de vue cinématographique, c'est très mal réalisé et interprété, mais à cet instant, Elsa Fraulein SS cesse d'être un pur produit d'exploitation racoleur et cherche à être quelque chose de plus grave, même s'il n'y arrive pas. Dans les bonus du DVD, on apprend que Marius LESOEUR, patron d'Eurociné a été dans la résistance et fut décore pour son action pendant la guerre. Peut-être a-t-il voulu rappeler au spectateur de 20 ans dans les 70's les horreurs que sa génération a vécu?