Full Tilt Boogie est un documentaire qui retrace le tournage du film Une Nuit en Enfer. Habituellement, ce type de projet n'est destiné qu'à servir d'outil de promotion publicitaire et ne consiste qu'en auto-congratulations et bullshit de communicant. Mais la qualité de ce documentaire lui a valu de connaitre une diffusion en festival ainsi qu'une sortie, certes limitée, au cinéma. On ne voit qu'assez peu les stars (TARANTINO, CLOONEY ou RODRIGUEZ) mais leurs rares interventions sont intéressantes, car s'attachent à démonter certains procédés narratifs (le mécanisme de l'horreur, la façon d'écrire des dialogues...). Ou bien il s'agit de moments pris sur le vif de la vie hors tournage (si vous voulez voir Juliette LEWIS dans un karaoké ou Georges CLOONEY se faire dragouiller par une fan...).
La véritable originalité de ce documentaire est d'accorder essentiellement la parole aux techniciens de l'ombre, ces petites mains sans qui la magie du cinéma serait beaucoup moins impressionante. On a droit, en vrac, aux confidences de l'assistante de Quentin TARANTINO ou des assistants réalisateurs, les galères de la chef-décoratrice pour construire le Titty Twister, les histoires de coucheries sur le plateau, le coordinateur des figurants... Même le type chargé d'apporter les cafés sur le tournage a droit à sa petite séquence. Tout ne se vaut pas et tout n'est pas passionant, mais l'ensemble s'avère bien sympathique.
Mais la partie la plus intéressante est celle consacrée au conflit syndical ayant eu lieu sur le tournage: les syndicats américains n'ont pas la réputation d'être des tendres et ils pèsent toujours d'un poids significatif dans l'industrie du spectacle. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils font des propositions qu'on ne peut
refuser, surtout si on aime les chevaux, mais leur histoire a souvent
été sulfureuse. Assez régulièrement, une profession (scénaristes, acteurs...) fait grève pour renégocier certains accords et les conflits peuvent durer plusieurs semaines, bloquant tous les tournages des grands studios.
Robert RODRIGUEZ et Quention TARANTINO ont souvent eu des relations compliquées avec le syndicat de réalisateurs (DGA: Directors Guild of america). Le premier occupant plusieurs postes au générique (réalisateur, cadreur, monteur...) ce qui est contre les règles en vigueur à Hollywood, le second n'adhérant que très tardivement la DGA (2012 selon Wikipédia). Sur le tournage d'Une Nuit en Enfer, il y eut plusieurs menaces de grèves et d'arrêts de travail. Dans le documentaire, nous n'avons droit qu'à la version de TARANTINO et de son producteur Lawrence BENDER, les responsables syndicaux n'ayant pas souhaité s'exprimer (surtout que le tournage de Full Tilt Boogie se fait hors des règles syndicales). Mais on sent bien qu'il s'agit surtout de luttes de pouvoir, d'influence et/ou d'ego, entre des syndicats bien installés dans le système et une nouvelle génération de réalisateurs indépendants cherchant à s'émanciper, que d'un réel souci de défendre les droits des travailleurs.