samedi 29 octobre 2016

Police des mœurs - 1987 - Jean ROUGERON

A.k.a: Saint Tropez Vice pour l'exploitation internationale

Sur la Côte d'Azur, la police des mœurs enquête sur un trafic d'êtres humains mené par une organisation criminelle.

Le film policier français n'est pas exclusivement parisien: d'autres villes ont l'occasion d'être le lieu d'enquêtes ou d'affrontements entre flics et truands: Rouen (Adieu Poulet), Orléans (Police Python 357), Nice (Sans Mobile Apparent) et bien évidement Marseille (Borsalino, French Connection 2...). Il existe cependant une ville qui n'a pas été particulièrement gâtée, c'est Saint-Tropez. A part Brigitte BARDOT ou les aventures du Maréchal des Logis Chef CRUCHOT, Saint-Tropez n'évoque pas grand chose dans la mémoire du cinéma français.

Police des Mœurs est une curiosité dans l'univers du polar français des années 80: il s'agit d'une tentative d'adapter l'atmosphère de la série Miami Vice sur la Riviera française. Au revoir les banlieues rouges et les ambiance nocturnes bleues sur fond de solos de saxophone, bonjour les voitures de luxes et les nappes de synthétiseur sur fond de soleil couchant. Le film est évidemment une catastrophe cinématographique: rien ne fonctionne que ce soit au niveau de l'intrigue, de la mise en scène ou de l'interprétation, Police des Mœurs se contentant de singer les tics de son modèle américain sans avoir la moindre qualité de la série de Michael MANN.

Police des mœurs essaie de donner une impression de richesse en multipliant les voitures et les montres de luxe, mais cela ne fait que souligner le caractère fauché du film en comparaison de la pauvreté de la mise en scène et l'indigence des scènes d'action. La garde-robe des acteur est particulièrement datée, surtout en ce qui concerne le héros qui tente maladroitement de copier Don JOHNSON. Mais si ce dernier était un symbole de la classe telle qu'on la définissait dans les années 80, son homologue français a l'air moins distingué.

L'homme le plus classe de la télé américaine dans les années 80, après Tom SELLECK dans Magnum.



Cela ne fait que confirmer le principe de Georges ABITBOL selon lequel il ne faut pas confondre la classe et la coquetterie. Il ne sert à rien d'avoir sur soi pour une barre de fringues, de se fournir chez Azzedine ALAÏA ou d'acheter ses sous-pulls chez Yohji YAMAMOTO.

Police des Mœurs n'atteint pas le même niveau de débilité que Brigade des Mœurs, mais reste un bon mètre-étalon de la connerie. On est en présence de ce qui peut se faire de pire en matière de polar à l'américaine: les codes sont copiés sans essayer de les adapter au contexte. Mais le plus surprenant est la tendance du réalisateur à montrer des filles dénudées à la moindre occasion, ce qui finit même par devenir franchement gênant: On a parfois l'impression de regarder un téléfilm érotique du dimanche sur M6 qu'un film policier.




dimanche 23 octobre 2016

Little Odessa - 1994 - James GRAY

Joshua est tueur à gages. Un contrat va le ramener dans le quartier de son enfance où il va revoir sa famille avec qu'il avait coupé les ponts.

Little Odessa est le premier film d'un jeune réalisateur (24 ans lors du tournage) qui a fait du chemin depuis. On sent l'influence des grands maîtres, notemment SCORSESE, CIMINO ou LEONE. Comme eux, James GRAY aborde différents thèmes comme la famille et le conflit de générations, la fraternité brisée, l'immigration en Amérique, les gangs criminels... Mais contrairement à ses influences, GRAY ne montre pas les truands comme étant des personnes charismatiques (bien que malfaisantes): Joshua est un être solitaire qui ne mène pas une existence flamboyante, on est très loin des Affranchis. Les scènes de violence sont assez rares et n'en sont que plus surprenantes, GRAY ne cherche pas à les rendre spectaculaires. Toute la mise en scène est économe en effets chocs, comme les acteurs qui jouent un rôle plutôt que de chercher à être sélectionnés pour les Oscars. L'ambiance est littéralement grise et étouffante avec ce décor de Brooklyn enneigé.

Malgré toutes les qualités du film, Little Odessa a des défauts: le rythme est très lent, voire long. On a parfois l'impression que plusieurs séquences pourraient être coupées sans que cela nuise à l'histoire. On n'est pas en présence d'un chef-d’œuvre, juste d'un très bon premier film, ce qui est déjà pas mal.

samedi 8 octobre 2016

Killing Zoe - 1994 - Roger AVARY

Pas le nom du réal', mais celui du producteur!
Zed, un truand américain se rend à Paris pour retrouver un ami d'enfance. Avec la bande de ce dernier, ils vont braquer une banque. Leur route va croiser celle de Zoé, une prostituée.

Killing Zoe est sorti au même moment que Pulp Fiction et surfait sur la même vague d'humour et de violence. Du moins, c'est ainsi que le film a été vendu à l'époque. Le nom de TARANTINO est écrit en gros sur l'affiche, certains dialogues sur la pop culture laissent penser qu'il aurait peut-être participé à l'écriture, ou plus vraisemblablement que les auteurs se sont fortement inspiré de lui. Ce qui a du décevoir fortement les spectateurs, car Killing Zoe se veut plus brut de décoffrage, sans utilisation de l'ironie  et second degré pour désamorcer la violence.

Ce que j'ai apprécié, c'est que le film n'utilise pas le cliché de montrer la Tour Eiffel pour faire comprendre que l'action se déroule à Paris. De même, pour jouer des français, AVARY a fait appel à des acteurs français pour jouer des français qui parlent en français la plupart du temps. Donc Killing Zoe arrive à être crédible et cohérent sur ce aspect. Pour le reste...

Ce dont on se rend compte assez rapidement, c'est que le film n'a pas été tourné en France (ce que le générique confirme vu qu'aucun nom français n'apparait!) à l'exception de quelques plans sans les acteurs principaux. L'essentiel du film se déroule en intérieur (dans des décors souvent laids), les quelques scènes extérieures se déroulent dans des voitures aux vitre opaques. Ces pseudo-astuces ressemblent surtout à des caches-misères et s'avèrent extrêmement visibles. Que le réalisateur n'ait pu tourner à Paris, cela est excusable, mais il doit adapter son script à cette contrainte, et surtout ne pas insister toutes les cinq minutes que l'action se déroule en France.

Killing Zoe est assez mal filmé, surtout dans la scène d'action finale de l'assaut des forces de l'ordre: AVARY film uniquement les gangsters, mais ne montre pas le contre-champ des policiers qui pénètrent (cependant, il n'avait peut-être pas les moyens de les filmer). Le problème est que les truands semblent tirer n'importe où, mais pas sur la porte d'entrée: cela démontre une mauvaise gestion de l'espace et donne une impression de désordre. Tout est filmé en caméra à l'épaule, ce qui donne un très vilain contraste avec les affreux décors et la photographie est laide.

Le film est très bizarrement structuré: la première partie qui raconte les retrouvailles des deux amis ainsi que la nuit de débauche est beaucoup trop longue. Quand au braquage, il y a en fait assez peu d'action. Mais le souci vient du personnage de Zoé: elle n'apparait que cinq minutes au début du film, puis disparait pendant près d'une heure pour finalement un rôle peu conséquent. L'histoire donne l'impression d'être un rafistolage de scènes sans souci de la progression dramatique.

Mais le plus gros problème de Killing Zoe est que le ton provoc' et trashy a horriblement vieilli: même si le film a pu être considéré comme choquant à l'époque, on a vu depuis bien pire et bien mieux raconté. Malheureusement on ne retient pas grand chose d'autre du film que sa volonté de choquer: cela veut dire deux choses, soit Roger AVARY n'a rien d'autre à dire ou à raconter, soit il a échoué dans ce qu'il voulait faire. Provoquer ne suffit pas pour qu'un film soit intéressant et supporte le poids des ans: Les Valseuses a provoqué un gros scandale dans le France giscardienne. En le regardant je retiens surtout un trio d'acteurs en parfaite alchimie et une mise en scène d'une grande qualité. Pour Killing Zoe, il n'en reste rien après son visionnage. Beaucoup de défauts que je reproche au film sont peut-être des intentions de réalisation et correspondent exactement à ce que souhaitait AVARY, mais le résultat donne au spectateur un sentiment d'inachevé et de bâclé.

mardi 4 octobre 2016

Anaconda - 1997 - Luis LLOSA

Une équipe de télévision se rend au fin fond de la jungle amazonienne pour filmer une tribu. Leur route va croiser celle d'un gigantesque anaconda.

Anaconda est une pure Série B de luxe: un sujet qui tient en deux lignes dont le seul but est de faire payer un billet au spectateur dans la salle et de le distraire pendant 90 minutes. Le film a été produit par Columbia qui a mis 45 Millions de dollars. Il a été mis en scène par Luis LLOSA qui a été formé à l'école Roger CORMAN: Il a donc appris comment dépenser intelligemment des dollars et lui en mettre plein la vue.

Près de 20 ans après sa réalisation, Anaconda tient étonnement bien la route: les FX n'ont pas trop vieilli et le monstre reste impressionnant. Le ton oscille constamment entre sérieux et parodie, principalement grâce à la prestation de Jon VOIGHT qui cabotine à merveille son personnage de chasseur de serpent. On n'est pas dans un film de monstre sérieux comme Jaws, on est plus dans l'hommage aux films d'exploitation italiens des années 70/80 avec un esprit Grindhouse avant l'heure. Mais si le script est classique, il réserve néanmoins quelques surprises intéressantes dans son déroulement. Par ailleurs, le film n'est pas idiot si on regarde son propos: l'anaconda n'est finalement qu'un sac à main de 20 mètres de long qui voit des casses-croutes s'approcher trop près de chez lui, le véritable monstre est le personnage de Jon VOIGHT qui est un véritable trou du cul que rien ne viendra rattraper. Mais surtout, le film pourrait presque passer pour un plaidoyer féministe: Jennifer LOPEZ, loin de jouer les demoiselles en détresse, s'avère assez badass' et énergique!

Et en plus on a droit à un petit cameo de Danny TREJO!

dimanche 2 octobre 2016

F.I.S.T. - 1978 - Norman JEWISON / Hoffa - 1992 - Danny DE VITO

L'histoire de Johnny KOVAK, manutentionnaire injustement licencié qui deviendra l'un des plus puissants syndicalistes des États-Unis.

Le mouvement ouvrier américain a une histoire riche et complexe. Cela est un peu oublié, mais les premières luttes pour les droits des prolétaires ont eu lieu dans la patrie de l'Uncle Sam.

F.I.S.T. est inspiré de la vie de Jimmy HOFFA, patron du syndicat des camionneurs (les Teamsters) qui disparut en 1975, probablement coulé dans un bloc de béton par la Mafia de Chicago (l'Outfit). L'homme est une figure riche et complexe, qui défendit les travailleurs et s'acoquina avec le crime organisé. C'est son fils, James P. HOFFA, qui dirige actuellement les Teamsters.

En 1978, Sylvester STALLONE sort du triomphe critique et public du premier ROCKY. Ce dernier a d'ailleurs de nombreux points communs avec Johnny KOVAK: prolétaire blanc sans avenir, il ne s'en sortira que grâce à sa force de caractère et à ses poings. F.I.S.T est une fresque historique qui vise à rendre compte de toute la complexité de son héros: tout d'abord sincère dans son combat pour ses camarades, il va peu à peu perdre son âme, devenir un apparatchik grimpant dans la hiérarchie par des coups bas et des magouilles. Le film a de nombreuses qualités dont la première est son script: F.I.S.T. est une véritable leçon d'histoire qui montre pourquoi certains syndicats américains durent s'allier avec la Mafia pour faire face à la violence des milices patronales. Cela explique d'ailleurs pourquoi Chicago est à la fois la ville d'Al CAPONE et un bastion du mouvement ouvrier. La prestation de STALLONE, dont on a oublié qu'il pouvait être un grand acteur, souligne le déchirement du personnage pris en étau entre la défense de ses camarades et les criminels qui lui ont permis d'être là où il en est. Certes le vrai HOFFA avait peut-être moins de scrupules, mais F.I.S.T ne fait que s'inspirer de sa vie.

Norman JEWISON a fait une excellente reconstitution du Cleveland ouvrier des années 30 et les scènes de bagarres entre grévistes et garde-chiourme du patronat sont spectaculaires. Certaines choses ne fonctionnent pas réellement, comme la romance que vit Johnny, histoire d'amour qui renvoie à celle avec Adrian dans Rocky, mais globalement le film est excellent.

Pour la petite anecdote, F.I.S.T évoque le financement, via la caisse de retraite des camionneurs, de l'achat de casinos à Las Vegas par l'Outfit. Cet évènement est raconté d'une manière plus détaillée dans le film Casino de Martin SCORSESE.

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En 1992, sort Hoffa de Danny DE VITO. Si F.I.S.T s'inspirait de la vie de HOFFA, ce film veut être une biographie plus réaliste. Le leader syndical, interprété par Jack NICHOLSON, y est présenté comme une franche canaille, pour qui l'alliance avec la Mafia ne lui pose pas de problèmes  tant qu'il garde le pouvoir et peut se remplir les poches. Là où STALLONE passait pour un homme sincère qui avait perdu son âme, NICHOLSON est une authentique crapule. On en sait assez peu sur lui, ses origines, comment il est devenu syndicaliste, on a de ce fait du mal à ressentir une réelle empathie pour le personnage.

Hoffa sonne plus comme un film de gangsters, très inspiré par Les Affranchis. La reconstitution est moins réussie, moins réaliste, certaines scènes ayant un aspect carton-pâte assez prononcé. Dans sa mise en scène, DE VITO a une fâcheuse tendance à user et abuser d'effets dramatiques (musiques, ralentis...) qui s'avèrent assez pénibles. La façon dont il gère les transitions est symptomatique d'une volonté d'en mettre plein la vue aux spectateurs, même si cela ne sert à rien. Et surtout, DE VITO a oublié que montrer un gangster n'est pas une fin en soi si on a rien à dire: dans Les Affranchis, le personnage d'Henry HILL, d'abord fasciné par les voyous, comprend peu à peu qu'il est tombé dans un milieu sordide où l'amitié n'existe pas. DE VITO nous montre un HOFFA sans scrupules et prêt à tout, qui n'a aucune réelle évolution psychologique. Peut-être que le vrai Jimmy HOFFA n'a jamais été sincère dans son combat, mais le personnage est de ce fait moins intéressant à l'écran que celui interprété par STALLONE.

Le film est heureusement sauvé par la formidable prestation de NICHOLSON qui offre de beaux moments de bravoures, notamment pour la scène d'audition au Sénat face à Robert KENNEDY.

Hoffa est peut-être plus proche du vrai Jimmy HOFFA. Cependant, si biographiquement le film est plus intéressant que F.I.S.T, il l'est moins cinématographiquement.