jeudi 26 décembre 2019

Sunday in the country - 1974 - John TRENT


Adam SMITH est fermier. Il vit seul avec sa petite-fille, qui vient de rentrer à l'Université. Un jour, des truands braquent une banque dans les environs. Pourchassés par la police, ils vont se réfugier dans la ferme d'Adam.

Avec un tel pitch et un réalisateur totalement inconnu au bataillon, je m'attendais à un bon film d'auto-défense trashouille et vulgaire, avec rednecks édentés et grimaçants et voyous sadiques. Au final, il s'agit d'un drame psychologique de bonne facture, assez proche du premier Death Wish ou des Chiens de Paille. Une bonne surprise qui mérite d'être redécouverte.

Le film est une co-production anglo-canadienne, mais qui copie totalement le style du cinéma US des 70's, notamment dans l'approche du héros qui va peu à peu s'avérer être un personnage trouble et ambigu. Par petites touches, le film révèle l'histoire d'Adam SMITH: c'est un homme honnête et pieux qui a commencé à travailler à l'age de 13 ans et s'est toujours impliqué dans sa communauté. Mais quelque s'est brisé chez lui: sa fille ainée s'est enfuie sans qu'il ait jamais su pourquoi. Son métier de fermier ne rapporte plus autant, alors qu'il doit faire face à la concurrence des grandes exploitations. Au fond, il ne comprend plus le monde qui l'entoure et est totalement désemparé par l'attitude de sa petite-fille, jeune femme du début des 70's. L'arrivée de ces voyous va être l'élément qui va le faire basculer dans la folie.

Le film est porté par la prestation de l'immense Ernest BORGNINE, qui s'avère une fois de plus être monstre de charisme. Génial comédien dont la carrière s'étende sur six décennies, il arrive à composer un personnage complexe, à la fois sympathique, attachant, inquiétant et odieux. La mise en scène évoque beaucoup le western, avec ces grands espaces où la Loi n'existe pas réellement, ces trois braqueurs de banques en fuite et cette figure du pionnier qui défend son domaine les armes à la main. On en revient à ce thème fondamental du cinéma américain, celui du territoire à conquérir ou à défendre. L'histoire ne cesse de surprendre et prend le contrepied de beaucoup d'attentes du spectateur, on n'est pas dans un home invasion ou un rape and revenge classique.

Bien que souffrant de quelques défauts, notamment dans l'interprétation des gangsters (particulièrement le surjeu de Michael J POLLARD) et d'un ultime rebondissement ridicule, Sunday in the country est un excellent film dont la redécouverte est possible grâce à la réédition par Artus Films.


Quelques affiches qui font dans le bon goût et la sobriété.





dimanche 22 décembre 2019

Halloween 2 - 1981 - Rick ROSENTHAL


Il s'agit de la suite directe du premier Halloween: l'histoire commence quelques secondes après la fin du premier opus. Mike MYERS est revenu à la vie et cherche à tuer Laurie STRODE, avec quelques victimes collatérales au passage.

Ce film souffre de quelques défauts, mais reste une suite honnête qui a le mérite de conserver l'esprit du premier volet sans le dénaturer, tout en offrant une conclusion cohérente. Certes, une des nombreuses forces de l'opus de CARPENTER était cette fin ouverte qui laissait l'image d'un Mal absolue et en liberté. Mais on ne peut pas dire que le réalisateur se soit torché avec le travail de "Big John": Rick ROSENTHAL, dont il s'agit du premier film, essaie de reproduire la mise en scène de CARPENTER: le spectateur a droit à la caméra subjective, ces plans très travaillés en terme de profondeur de champ (mais où se cache donc le tueur dans l'image?). Parmi les scènes marquantes, celle où une infirmière se fait transpercer l’œil, qui montre un excellent travail en terme d'éclairages. Le thème musical original est de retour et provoque toujours autant de frissons.

Cependant, on a quelques fautes de goût, comme cette scène ou M. MYERS ébouillante un couple en train de batifoler: vulgaire et sans surprise, elle aurait plus sa place dans un Vendredi 13. Mais le plus gros souci est cette idée d'avoir créer un lien entre la victime et le tueur. Ce dernier apparaissait, dans le premier film, comme une machine à tuer sans réel but, avec sa logique propre qui restait incompréhensible pour le spectateur. Avec l'impeccable prestation de Jamie LEE CURTIS qui permettait une identification totale, cela créait un réel sentiment de malaise pour le spectateur. Dans le cas présent, le film perd en efficacité, même s'il reste un honnête divertissement.

Le film vient d'être réédité chez l'éditeur Le Chat qui fume, avec de nombreux bonus, notamment une très intéressante interview d'Eric PERITTI qui tord le cou à la légende selon laquelle John CARPENTER aurait réalisé la moitié du film. Il n'aurait visité le plateau qu'à deux occasions, trop occupé par la préparation de The Thing, mais aurait été plus impliqué en post-production.

Halloween 2 souffre de plusieurs inhérents, inévitable par son statut de suite d'un film culte et une certaine volonté de boucler l'histoire. Cependant, le film reste d'un bon niveau et supporte le poids des ans.










lundi 9 décembre 2019

San Babila : Un crime inutile - 1976 - Carlo LIZZANI


De la fin des 60's jusqu'au début des 80's, l'Italie subit une vague de violence politique, connue sous le nom d'Années de Plomb, qui voyait s'affronter extrémistes de Droite et de Gauche. Attentats à la bombe, fusillades, braquages de banques ou enlèvements se succédaient quasi-quotidiennement. Ce climat tendu, où la Péninsule risquait de sombrer dans une situation de guerre civile trouva une traduction au cinéma, notamment via les poliziottesco, ces fameux néo-polar où les flics ultra-violents devenaient le symbole d'un état à la dérive.

San Babila : Un crime inutile s’inscrit dans ce contexte. Le film, qui s'inspire d'un fait divers, retrace la journée de quatre jeunes néo-fascistes milanais. Entre bagarres avec les communistes, défilé au pas de l'oie ou tentative de plastiquage d'un local syndical, on suit leurs pérégrinations autour de la Place de San Babila qui constitue leur fief. D'origines diverses, fils de bourgeois ou employé modeste, ils draguent lourdement les filles, s'exercent au tir, taguent des croix gammées sur les boutiques des commerçants juifs. Loin d'être le fer de lance d'une élite phalagangiste, ils se comportent avant tout comme des voyous et sont assez éloignés du militantisme: à aucune moment ils ne parlent réellement d'idéologie ou d'action politique, ils pensent surtout à montrer qu'ils en ont une bonne paire!

D'un point de vue purement cinématographique, le film n'a rien d'exceptionnel. La mise en scène est carrée et efficace, notamment dans les séquences d'action, mais n'invente rien. Carlo LIZZANI a surtout cherché le réalisme en filmant sur les lieux même du drame. Certaines séquences sont authentiques (le défile syndical est une vraie manifestation) ou reconstituées dans des circonstances réelles (le défilé des jeunes fascistes se déroule au milieu d'une foule d'anonymes passants qui n'étaient pas prévenus du tournage). L'interprétation est excellente: les acteurs, dont il s'agit pour certains de leur seul et unique rôle, sont totalement crédibles dans leurs rôles d'apprentis-squadristes. L'excellent musique, à forte tonalité martiale, est signée par l'immense Ennio MORRICONE, dont on réduit trop souvent l’œuvre aux morceaux d'harmonicas et de banjos des films de LEONE.

Mais si San Babila : Un crime inutile est une plongée dans l'univers des jeunes nervis de l'extrème-droite italienne, le film a su éviter l'écueil de la fascination. A aucun moment LIZZANI ne crée la moindre empathie pour ces jeunes "héros". Il donne des pistes pour expliquer leur comportement (jalousie de classe, situation familiale, paresse intellectuelle...) mais ne cherche jamais à les excuser. LIZZANI a parfaitement compris que, dans les démocraties occidentales, la violence politique constitue un impasse et qu'elle ne pourrait mener ses auteurs ailleurs que dans le mur. Certes l'Italie des années 70 avait des défauts, mais le système politique, la liberté d'expression et la Justice ne marchaient pas si mal, ce qui a permis au pays de ne pas sombrer dans la chaos. Alors que de nos jours, bon nombre de journalistes, de politiques ou d'intellectuels français éprouvent une fascination à peine dissimulée pour l'action révolutionnaire, LIZZANI montre que celle-ci est surtout l’œuvre d'individus plus attirés par le goût de la bagarre que par une quelconque conscience politique.

Un film à la fois très marqué par son époque et au discours très actuel!










mercredi 4 décembre 2019

Le Retour des Morts-vivants 3 - 1992 - Brian YUZNA


 
La saga du Retour des mort-vivants a été initiée par Dan O'BANNON en 1985. Scénariste d'Alien et associé à nombre de projets de science-fiction ou fantastique, il proposait une nouvelle version du zombie, très éloignée de la vision de Georges ROMERO. Loin de la créature putride, anonyme et inhumaine, cette figure de l'horreur devenait un être intelligent, capable de communiquer. Le ton du film passait également de l'angoisse glauque à la comédie horrifique.
Après le succès du premier épisode, et un second volet à la mauvaise réputation, Brian YUZNA reprit les rênes de la franchise (par ailleurs, cet épisode peut être vu indépendamment des autres). Longtemps associé avec son compère Stuart GORDON (avec qui il faillit réaliser Chéri, J'ai rétréci les gosses), cette figure du cinéma d’horreur livre sa propre version du mort-vivant, avec un point de vue original à défaut d'être totalement convaincant: il délaisse l'humour potache pour retrouver une ambiance plus oppressante et filme la romance entre un jeune homme bien vivant et sa chère moitiée récemment décédée.
YUZNA n'étant qu'un bon faiseur de série B, il ne peut, à la différence d'un John CARPENTER, transcender par sa seule mise en scène un simple script de série B. Le film souffre de problèmes d'argent visible à l'écran (les décors sont très pauvres), d’un casting et d'une direction d'acteurs pas très inspirés, et d'une réalisation assez bas de gamme (on a souvent l'impression de regarder un téléfilm). Malgré ces défauts, il reste intéressant par son ambiance souvent macabre, des effets spéciaux et des maquillages très convaincants. Il y a également quelques belles fulgurances de mise en scène et d'écriture, avec des scènes chocs qui produisent leur effet, notamment la fin qui se révèle d'une noirceur étonnante.
Mais le véritable point fort du film est la prestation de Melinda CLARKE: actrice injustement sous-employée par le cinéma, elle compose ici une zombie punkoide et adepte du piercing, inattendu dans ce genre de production. Son charisme et son talent rendent le personnage émouvant et tragique. Quelques années plus tard, Melinda CLARKE tiendra dans la série Les Experts, le rôle de Lady Heather, une directrice d'établissements SM, personnage surprenant et haut-en-couleur qui marquera beaucoup la série, malgré peu d'apparitions.
Ce troisième volet du Retour des morts-vivants souffre de nombreux défauts. Mais il a également d'indéniables qualités qui font de cette série B une des rares tentatives intéressantes de renouveler le mythe du zombie depuis La Nuit des morts-vivants.
Le film, qui a dépassé le quart de siècle, a déjà connu une sortie DVD en France, mais de qualité très moyenne. Il vient de ressortir chez l'éditeur Le Chat Qui Fume dans un superbe packaging avec de nombreux bonus, ce qui donne une bonne occasion de le redécouvrir.






dimanche 1 décembre 2019

The Wanderers - 1979 - Philipe KAUFMANN



Encore un film dans la veine du revival 50's que connut les 70's. On y retrouve les thèmes classiques: histoires de filles dans l'ère pré-pilule, rivalité de bandes, belles bagnoles et surtout une excellent bande originale! On essaie de recréer, d'une manière un peu fantasmée, cette époque mythique où l'Amérique était face à une Nouvelle Frontière. En ce temps-là, le rock'n roll était une vraie musique de vrais américains, on se moquait des groupes européens ou des gauchistes de la Côte Ouest qui essayaient de dire quelque chose à travers leurs rimes. 

Comme beaucoup de films de cette veine, le résultat n'est pas exceptionnel. C'est un peu long, parfois ennuyeux, d'une écriture bancale, pas forcément mal joué ou mis en scène maladroitement. Mais le réal' derrière la caméra n'est pas un vulgaire yes-man de studio, mais le sous-estimé Philip KAUFMAN. Si l'ensemble sent la commande impersonnelle de studios, quelques scènes rappellent qu'on a aux manettes l'auteur de L'invasion des Profanateurs de Sépultures sorti l'année précédente. D'une gentille comédie un peu niaise, le ton passe, d'une manière surprenante, à la SF teintée de paranoïa. Cela ne suffit pas à sauver le film, mais montre qu'un véritable auteur arrive toujours à glisser sa patte.