dimanche 12 mars 2017

Poor Pretty Eddie - 1975 - Richard ROBINSON

Liz est une chanteuse qui connait un certain succès, mais qui a besoin de faire une pause de quelques jours. Elle va s'arrêter dans un coin paumé du Sud profond et faire la désagréable connaissance des autochtones.

Poor Pretty Eddie est un film d'exploitation au destin assez étrange. Produit par Michael THEVIS, un magnat du porno en quête de respectabilité, il fit un flop conséquent à sa sortie. Il y eut plusieurs ressorties, parfois sous des titres différents, qui furent toutes des échecs financiers. 

Poor Pretty Eddie est un film curieux, pas forcément abouti, mais qui vaut largement le coup d’œil. Il est mis en scène par un nommé Richard ROBINSON, précédemment réalisateur de La Grande Partouze (le titre est suffisamment éloquent). On est ici en territoire connu: le Sud profond des États-Unis avec ses péquenauds consanguins, violeurs et assassins qui agressent les gentils citadins. On rajoute une légère couche de blaxploitation pour ratisser un peu plus large (Liz est afro-américaine) et direction les drive-in!

Poor Pretty Eddie est plus proche de la comédie noire et grinçante à la Texas Chainsaw Massacre que du survival oppressant à la Delivrance. Rien que le titre montre que les auteurs ne se préoccupent pas réellement de l'héroïne (Eddie est le nom du violeur) et beaucoup plus à ce groupe de dégénérés. Ils s'avèrent d'ailleurs réellement intéressants que Liz qui n'apparait jamais comme réellement sympathique: Eddie rêve d'être une star de la Country et est fasciné par Liz qu'il a vu dans des magazines et à la télévision. Quand à Bertha, l'obèse compagne d'Eddie, elle est une ancienne starlette dont la gloire est passée et qui craint que Liz ne lui vole son homme.

En terme de mise en scène, Richard ROBINSON fait de nombreuses expérimentations visuelles en terme de montage ou de prise de vues, ce qui n'est pas sans donner un cachet surréaliste au film. Un des moments les plus dérangeants est l'agression de Liz où le réalisateur fait un montage parallèle avec des chiens en train de copuler, le tout sur fond de musique country.

Poor Pretty Eddie est un véritable OVNI cinématographique comme seul le cinéma d'exploitation de l'époque pouvait en produire. Le budget famélique a laissé une totale indépendance aux auteurs qui se sont littéralement lâchés en terme narratifs et visuels.




Surpris de voir au générique la présence de David WORTH, bien connu chez Nanarland pour Air Strike, Lady Kickboxer ou Le Chevalier du Monde Perdu.


Eddie, qui rêve d'être le nouveau Elvis.


Bertha, interprétée par Shelley WINTERS (Notamment La Nuit du Chasseur et Lolita)


L'employé de maison, colosse encore plus attardé que les autres, interprété par Ted CASSIDY qui jouait également le domestique dans la série télévisée La Famille Addams.

Que serait un film de rednecks sans le Shériff du coin? Il est ici interprété par Slim PICKENS, connu pour son rôle du major King Kong dans Docteur Folamour.


Le film est disponible chez l'éditeur Le Chat Qui Fume. La qualité d'image et de son est correcte, le master original ne devant pas être d'une qualité exceptionnelle. En terme de bonus, on a droit à un reportage de 6 minutes qui raconte notamment les démêlés judiciaires du producteur avec la Justice.

Différents visuels du film:









mardi 14 février 2017

Voici le temps des assassins - 1975 - Marcello ANDREI

J'adore cette affiche et ce titre!
Titre original: Il tempo degli assassini

A.k.a: Die Wilde Meute, La Bagarre du samedi soir, Season for assassins... 

Piero est un petit chef de bande des quartiers ouvriers de Rome. Agressions et cambriolages constituent son quotidien. Un jour, un braquage va mal tourner.

D'une certaine manière, Piero est l'héritier de James DEAN et d'Alex dans Orange Mécanique. Fils de prolo, ultra-violent et désespéré, il espère mourir avant d'être vieux. Mais si ce n'est qu'un refrain de chanson pour certains, Piero y croit. Il vole, escroque pour en profiter au maximum et ne pas aller s'esquinter à l'usine comme son padre.  Il ne revendique rien, ne combat rien, si ce n'est les flics qui rêvent de le mettre au trou. Piero est un authentique malade mental. Malgré sa belle gueule, il n'a rien de séduisant.

Voici le temps des assasins est brutal, froid, amoral et un peu racoleur (quand même). Ces petits loulous ont abandonnés le perfecto et la gomina pour les cheveux longs et les pattes d'eph' mais n'en sont pas moins violents. La jeunesse romaine des 70's sera No Future ou ne sera pas!

Perio a les traits de Joe DALLESANDRO, objet de fascination érotique pour Andy WARHOL. Face à lui Martin BALSAM, solide second rôle du cinéma américain (il était un des Douze hommes en colère) alors exilé en Italie. Ce dernier incarne un commissaire de police qui ne vaut guère plus que la racaille qu'il veut combattre. 

Un excellent film que je conseille. Par contre, vous risquez de galérer pour le trouver, il n'existe qu'un combo DVD/Blur-Ray allemand (par ailleurs de toute beauté, mais assez cher).

Quelques visuels assez cools:





lundi 13 février 2017

Les Machines du Diable - 1970 - Jack STARRETT

Titre original: The Losers

Pendant la guerre du Viet Nam, un ponte de la CIA est capturé. L'armée américaine monte une opération de sauvetage à l'aide d'un gang de motards criminalisés.

Après The Black Gestapo, voici un autre film au pitch invraisemblable. Si le sujet à sourire, il faut remettre les choses dans leur contexte: en 1970, les films de bikers encombrent les écrans. Pour se démarquer, les auteurs décident de traiter de l'actualité: l'intervention américaine dans la péninsule indochinoise.

Les Machines du Diable doit être un des premiers films à parler du conflit après Les Bérets Verts de John WAYNE en 1968. Loin d'être le nanar que pouvait laisser imaginer l'histoire, il s'avère un très sympathique film d'exploitation. Il est mis en scène par Jack STARRETT (qui joue le rôle du fourbe de la CIA). Il a fait un bon boulot, très marqué par Sam PECKINPAH, au vue de l'utilisation des ralentis lors des scènes d'action. L'assaut final du camp par les bikers sur leurs motos customisés est particulièrement spectaculaire. Dix ans avant Mad Max 2, ce film invente le post-apocalyptique. Les moyens financiers sont minuscules, mais cela ne gène pas trop le récit qui se suit sans problèmes. Le casting compte pas mal de tronches habituées à la Série B, notamment William SMITH ou Adam ROARKE.


Les Machines du Diable est surprenant car on a l'impression de s'être trompé de conflit. Au lieu du Vietnam, le film semblerait plus logique s'il se déroulait pendant la Seconde Guerre. On est plus proche des Douze Salopards (ou plutôt d'un de ses rejetons infâmes comme Une Poignée de Salopards) que d'un Namsploitation. En fait, le principal problème de ce film est qu'il vient avant tous les autres. Parce que la guerre du Vietnam, ce n'est pas qu'une guerre, c'est un genre cinématographique à lui tout seul avec ses chefs-d’œuvre, ses sympathiques Série B et ses fils indignes. Ballets d'hélicoptère sur fond de solos de guitares électriques, soldats cernés dans l'étouffante jungle par l'invisible ennemi, bureaucrates de Washington et médias gauchistes qui trahirent les petits gars envoyés au front... Autant d'images que le cinéma hollywoodien a gravé dans la rétine des spectateurs. Mais il s'agit de la vision des studios de Los Angeles, pas forcément de la réalité. Par exemple, on ne voit jamais combattre les soldat sud-vietnamiens alors qu'il s'agit de leur pays (ou ailleurs ils sont présentés comme étant tous des incompétents et/ou des vendus au Vietcong). De même, on ne met jamais en scène les contingents étrangers autre que les américains, alors qu'il y a eu les corps expéditionnaires australien ou coréen. La guerre du Vietnam telle qu'on l'a connait, c'est celle que Hollywood nous a vendu, mais pas forcément la réalité. Les Machines du Diable est atypique: précurseur par certains aspects, il vend sa propre vision de la guerre, il est également victime des codes du Namsploitation, genre qu'il aura contribué à créer.


 Jack STARRETT, surtout connu pour son rôle de Shériff sadique dans le premier Rambo.



William SMITH, vétéran du cinéma bis avec plus de 270 crédits sur IMDB.


A gauche, Adam ROARKE, qui a également joué dans Hells Angels on Wheels et The Savage Seven
A droite Bernie HAMILTON qui jouera le capitaine DOBEY dans Starsky et Hutch à partir de 1975.


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Quentin TARANTINO est fan de ce film: Dans Pulp Fiction, Fabienne (Marie DE MEDEIROS) regarde un film à la télévision, c'est Les Machines du Diable.

"Un film avec des motocyclettes"

dimanche 12 février 2017

The Black Gestapo - 1975 - Lee FROST

Dans un ghetto de Los Angeles, les noirs sont victimes du racket et de la violence de criminels blancs. Ils vont s'armer et devenir peu à peu de véritables nazis.

The Black Gestapo est un film qui promet beaucoup par son affiche et son sujet. Réalisé par Lee FROST, déjà responsable du pas terrible The Thing with two heads, il est le résultat improbable du mariage indigne deux courants du cinéma d'exploitation, la nazisploitation et la blacksploitation.

Un tel sujet parait surprenant de nos jours, mais à l'époque, tout était bon pour attirer le chaland au cinéma et rien n'est mieux qu'un peu de provocation. Les nazis sont le méchant idéal: un background déjà établi et une imagerie facilement identifiable. D'ailleurs, même de nos jours, de nombreuses série B continuent à occuper ce créneau comme la série des Outpost ou Nazis at the center of the Earth. Certains verront dans T.B.G. une critique du mouvement des Black Panthers qui vivait ses dernières heures, mais ce film est avant tout un pur film d'exploitation qui n'a pas d'autres ambitions que de distraire le spectateur après lui avoir fait payer un ticket. T.B.G. n'a pas de discours politique (vu le sujet, c'est préférable), toute l'imagerie nazie relève avant tout de la démarche commerciale.

Mais si le film est alléchant sur le papier, il est un peu décevant à l'écran pour le cinéphile déviant. T.B.G. emprunte beaucoup aux films d'auto-défense et de gangster, et à l'exception de quelques scènes chocs, il est assez sage pour son sujet. Il est correctement réalisé (mieux que The Thing With Two Heads), les acteurs sont crédibles et seule la version française ridiculise un peu l'ensemble. On ne s'ennuie pas, même si le film est très loin d'utiliser le potentiel de son sujet.

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Lee FROST est également l'auteur de Love Camp 7, un des premiers Gestaporn qui date de 1969. Moi qui avait toujours cru que le genre était né en Italie avec la série des Ilsa, j'ai appris quelque chose.


Autre petite anecdote amusante, le film a été distribuée aux États-Unis par Bryanston Pictures. Cette compagnie, active au début des années 70, a été fondée par Louis "Butchie" PERAINO, membre d'une des Cinq Familles de la Mafia new-yorkaise après la réalisation du fameux Gorge Profonde. Elle a également distribué The Texas Chainsaw Massacre.


mardi 13 décembre 2016

La Nuit des Morts-Vivants - 1968 - Georges ROMERO / 1990 - Tom SAVINI

La nuit des morts-vivants - 1968 - Georges ROMERO
Titre original: Night of the living dead

Pour de mystérieuses raisons, les morts reviennent à la vie et ont faim de chair fraîche.

La nuit des morts-vivants peut être considéré comme une pierre angulaire du cinéma pour plusieurs raisons: tout d'abord, il s'agit d'un des premiers films qui fait sortir le cinéma d'épouvante des grandes figures gothiques. L'horreur ne vient plus des châteaux de Transylvanie ou du laboratoire d'un savant fou, mais devient quelque chose de beaucoup plus concret, presque réaliste. Au fond, il n'y a pas grand chose qui sépare l'humain du zombie. Des films comme 2 000 Maniacs avait déjà défriché le terrain, mais l'impact de La nuit des morts-vivants est incomparable.

Ensuite, le but des personnages n'est pas d'affronter et de détruire le mal, comme le ferait n'importe quel VAN HELSING, mais simplement de survivre: cela pose une règle des films de zombies qui reste valable de nos jours. Le héros cherche avant tout à protéger les siens et ne pas se faire bouffer, il n'essaie pas de sauver le monde. Le zombie n'est pas un monstre surpuissant, il est donc difficile de lui opposer un héros traditionnel, sinon il n'y a pas d'enjeu. C'est le problème du personnage de Brad PITT dans World War Z qui incarne la figure classique du sauveur de l'humanité.

Le film suit ses personnages sans jamais changer de point de vue, à l'exception des bulletins d'informations et de la séquence finale, il n'y a pas de scènes expliquant réellement la situation dans le monde, on est presque dans un found footage. Ce choix de narration vient principalement des contraintes budgétaires, mais au final sert le récit. L'identification du spectateur aux personnages se trouve renforcée: on ne sait pas grand chose d'eux, mais on les apprécie et on espère qu'ils vont s'en sortir.

La nuit des morts-vivants est également porteur d'un message critique assez fort, mais qui, selon moi, n'est pas forcément bien interprété par le public. On considère souvent que le fait d'engager un afro-américain pour tenir le rôle principal est un acte très politique dans une Amérique marquée par la ségrégation. Ce à quoi Georges ROMERO a répondu qu'il avait choisi uniquement Duane JONES parce qu’il était le plus talentueux. En fait, ce que montre ROMERO, c'est que l'espèce humaine est incapable de faire face à une menace et qu'il suffit de peu de chose pour que l'ensemble des structures sociales volent en éclat: pendant tout le siège de la maison par les zombies, Ben (l'afro-américain) ne cessera de disputer le commandement à Harry, archétype du blanc conservateur. Plutôt que d'essayer d'adopter une défense commune et efficace, ils vont se disputer pour savoir la stratégie à adopter, au détriment de l'efficacité. Zombie est dans cette continuité et même L'armée des morts de Zack SNYDER est assez proche sur cet aspect: l'Homme n'est pas capable de réfléchir face à une menace et d'avoir une conduite rationnelle, il raisonne d'une manière stupide et mérite presque de se faire bouffer.

En plus d'être critique, La nuit des morts-vivants est très ironique vis-à-vis du spectateur: pendant tout le film, le spectateur ne cesse de prendre parti pour Ben. Charismatique, courageux et sachant prendre l'initiative, il est l'exact opposé de Harry qui apparait lâche et veule (cependant, il a une femme et un enfant à protéger, ce que n'a pas Ben). Harry veut que le groupe se barricade dans la cave tandis que Ben veut rester en surface. Au final, Ben aura la plus longue espérance de survie en adoptant la stratégie de Harry.

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La nuit des morts-vivants - 1990 - Tom SAVINI

A peu près le même script que pour l'original...

Etait-il nécessaire de faire un remake de La nuit des morts-vivants? Oui! Même si l'original a rebattu les cartes du cinéma fantastique et reste d'un intérêt historique incontestable, il a pris un coup de vieux qui rend son visionnage assez pénible pour celui qui le découvre aujourd'hui.

L'histoire est assez proche de la version de 1968. Tom SAVINI cherche avant tout à rendre hommage à son modèle et plutôt que d'adopter le ton énervé et ultra-réaliste de l'original, il donne au film un ton plus humoristique. Attention, on n'est pas dans la franche déconnade comme pouvait l'être Le retour des morts-vivants, mais SAVINI n'est pas là pour se prendre au sérieux et fait ce que fera TARANTINO quelques années plus tard: rendre hommage à un genre en détournant ses codes sans s'en moquer. SAVINI se permet cependant une petite pique en montrant comment les humains semble prendre un plaisir sadique à massacrer les zombies, mais cela reste assez discret.

Le gros changement touche principalement le personnage de Barbara. Dans la version de 1968, elle est en état de choc et ne fait rien durant la majeure partie du film (elle a vu son frère se faire massacrer) et n'a, au final, qu'une importance assez réduite. Tom SAVINI en fait une héroïne badass qui va massacrer du mort-vivant avec une efficacité à en faire pâlir Ellen RIPLEY.

En regardant le remake, je me suis dit que l'original ne pourrait plus passer aujourd'hui, notamment à cause de la façon dont Barbara était traitée par ROMERO: le réalisateur sera jugé machiste et patriarcal s'il présentait de nos jours un personnage féminin qui ne peut se défendre et ne fait rien d'autre que rester prostré. Peut-être que ROMERO est sexiste, je n'en sais rien, mais certains ont tendance à trop interpréter les films: la version de 1968 cherche à être réaliste, il n'y a rien de choquant à ce qu'un personnage soit en cas d'invasion de zombies tellement choqué parce qu'il ne puisse plus agir.

La nuit des morts-vivants de 1990 est un sympathique film d'action qui a permis de rajeunir le genre du film de zombie. Il n'a pas le mordant de son ainé mais est efficace et distrayant, ce qu'on demande avant tout à un film.