mercredi 30 novembre 2016

Fantasia chez les ploucs - 1971 - Gérard PIRES

Le film est à l'image de son affiche...
Dans un coin paumé de l'Alabama, deux trafiquants d’alcool tente de mettre la main sur le bikini serti de diamant d'une strip-teaseuse.

Fantasia chez les ploucs est un essai de comédie de  rednecksploitation à la française. Inspiré d'un livre de Charles WILLIAMS (également auteur de Calme Blanc), il met en scène trois des plus grandes vedettes de l'époque (Lino VENTURA, Jean YANNE et Mireille DARC). Le film s'inscrit dans une tradition très américaine de représentation des campagnards, par exemple pensez à la série Shériff, fais moi peur.

Je n'ai pas lu le roman original, mais d'après ce que j'en sais, il est raconté à travers le regard d'un enfant de 7 ans qui ne comprend pas les actions des adultes: l'intérêt de l'histoire vient du décalage entre ce que raconte innocemment le gamin et ce que comprend le lecteur. Une des raisons de l'échec artistique de ce film est que l'histoire n'a pas été retravaillé: les évènements ont été repris tels que décrits dans le le roman, sans travail sur le point de vue. De ce fait, au lieu d'une histoire burlesque, on a un récit pataud qui accumule les lourdeurs. 

Gérard PIRES, qui signera plus tard le premier Taxi, n'aime pas raconter une histoire ou filmer des personnages. Ce qui le branche, c'est les bagnoles, montrer des cascades ou des accidents. Le film en regorge sans réelle justification. Les scènes d'exposition s'enchainent sans lien logique et sans qu'on ait une ébauche d'intrigue. Le ton se veut loufoque, mais PIRES n'est pas Gérard OURY et si Lino VENTURA ou Jean YANNE peuvent être d'excellents acteurs comiques, ils ont l'air de s'emmerder ici. Vers la dernière demi-heure, PIRES ne sait plus quoi raconter et Fantasia chez les ploucs fait clairement du surplace.

Mais si le film est très mauvais et pénible à voir, il reste intéressant pour se rappeler que ce n'était pas mieux avant: on critique beaucoup le cinéma populaire français actuel pour son côté interchangeable et redondant, mais de sacrés merdes ont été tournées par ceux qu'on considère comme étant nos plus grands acteurs. La mémoire a fait le tri et on ne se rappelle que leurs grands films. Fantasia chez les ploucs a très mal vieilli, mais n'était pas bon à la base. On peut reconnaitre cependant un certain courage (ou inconscience) aux producteurs qui ont osé financé un projet réellement culotté. Le film avait du potentiel, il aurait pu apporter quelque chose au cinéma français. Cela n'a pas été le cas, il était condamné à être une bouse avec un réalisateur qui ne sait pas quoi faire de son histoire et un casting à côté de la plaque. Mais ils ont osé, ce qui est à mettre à leur crédit.

jeudi 24 novembre 2016

La Saga Pusher


Pusher - 1996


Frank est un petit dealer de Copenhague. A la suite d'une transaction qui tourne mal, il doit une forte somme d'argent à Milo, un gros bonnet. 

Premier long-métrage de Nicolas Winding REFN, Pusher est l'antithèse des films de gangsters américains comme Scarface ou Les Affranchis. Les truands danois n'ont pas de beaux costards ou de chaines en or clinquantes, ne dinent pas dans des restaurants de luxe ou ne conduisent pas des voitures rutilantes. Ils ont au contraire l'air plutôt miteux et ne mènent pas grand train. Loin des italo-américains de SCORSESE, ils inspirent plus la pitié que l'admiration.

Le style de REFN est assez proche d'un documentaire: caméra à l'épaule, lumière naturelle et prise de son directe. On est totalement immergé au côté de Frank et de sa recherche désespérée. REFN accumule les scènes chocs sans qu'elles n'aient l'air gratuites: chaque chose que fait Frank n'est qu'un pas de plus dans les ennuis. L'une des scènes les plus intéressantes est lorsqu'il rend visite à sa mère pour essayer de lui emprunter de l'argent: ce moment parait anodin, mais il montre que Frank est totalement au bout du rouleau. Lorsqu'un voyou est réduit à essayer ce genre de chose pour se sortir de ses problèmes, il n'a plus grand chose à espérer de son mode de vie.

Mais le point fort de Pusher est son casting: outre les excellents seconds rôles (avec notamment un Mads MIKKELSEN tout jeune), Frank est interprété par Kim BODNIA, dont il s'agit d'un des premiers rôles. Avec son regard de chien triste, il apporte une forte humanité à un personnage qui n'est au fond qu'un sinistre connard et qui mérite presque ce qui lui arrive. Grâce à Kim, on se prend d'affection pour Frank et on craint pour lui.

Après, le film a quelques défauts: la relation entre Frank et Rita (une prostituée chez qu'il cache de la drogue) ne fait pas très crédible à l'écran. Mais surtout, le film n'a pas grand chose à dire sur son personnage principal et devient redondant: on comprend que Frank va dans le mur, mais on en sait trop peu pour réellement s'attacher à lui. Il n'a pas une histoire qui le rend réellement intéressant: Henry HILL (Les Affranchis) est  un héros passionnant car, tout d'abord fasciné par le mode de vie des truands, il prend peu à peu conscience qu'il va y laisser sa peau. On n'a que la chute de Frank, pas ce qu'il a été avant.

Pusher a des défauts, mais son style ultra-réaliste et coup-de-poing et surtout la qualité du casting en font un très bon premier film.

Dommage que la carrière de Kim n'ait pas davantage marché à l'international, parce que niveau talent et charisme, il pouvait (presque) concurrencer Mads MIKKELSEN.


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Pusher II Du Sang sur les mains - 2004

Quelques temps après les évènements du premier Pusher...
Tony, l'ancien meilleur copain de Frank, est libéré de prison. Il va retrouver son père, le Duc, un gangster craint et respecté avec qu'il entretient des relations difficiles.

Pusher II reprend le même style brut et direct que le premier volet, en caméra à l’épaule et décors naturels. Il y a cependant un travail stylistique qui a été fait sur l'utilisation de la musique et les lumières, particulièrement pendant la scène du mariage, même si on est encore loin de ce que REFN fera par la suite. Le film montre également que les truands peuvent être d'une compétence discutable, voire même de parfaits crétins, là où Frank était surtout victime de la malchance.

REFN corrige le principal problème du premier Pusher et donne une véritable consistance à son héros: Tony n'est pas qu'un simple malfrat, il est aussi un fils qui cherche l'amour de son père. C'est un personnage réellement touchant, magnifiquement interprété par Mads MIKKELSEN qui réussit à alterner les moments où il joue un parfait crétin avec ceux où Tony est un héros tragique (parfois pendant la même scène). Son regard suffit à retranscrire tout l'humanité et la souffrance du personnage. Ce dernier se fait humilier constamment par son père qui ne cesse de dénigrer ses efforts pour être un fils dont il serait fier. La violence qu'il subit est essentiellement morale, mais aussi brutale que la violence physique: lors du mariage d'un ami de la famille, le Duc déclare en public qu'il aurait préféré que le marié soit son fils plutôt que Tony. Il préférerait certainement se battre avec lui, pour après s'embrasser, que de subir de telles humiliations.

Cette photo de Mads n'apporte rien, mais je voulais la mettre...

Mais Pusher II est aussi, paradoxalement, le film le plus optimiste de la saga car il offre un semblant d'espoir à son personnage: la scène finale où Tony s'enfuit avec son enfant, il comprend qu'il n'a plus rien à attendre de cet univers et que s'il laisse son bébé, il finira comme lui. Ce n'est pas le geste d'un égoïste qui essaie de donner un sens à sa vie en sacrifiant un enfant (comme par exemple le héros de Mon nom est Tsotsi), c'est celui d'un père.





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Pusher 3  I am the Angel of Death - 2005

Milo, un caïd de Copenhague, doit fêter l'anniversaire de sa fille. En parallèle, il doit gérer un gros deal avec des mafieux albanais.

Il n'était pas prévu, lors du tournage du premier Pusher, qu'il y aient d'autres volets. Du sang sur les mains et Je suis l'Ange de la Mort ont été tournés à cause de problèmes financiers de REFN. Ce dernier, loin de bâcler le travail, a cependant réussi à créer un univers cohérent où chaque épisode peut se voir indépendamment les uns des autres. Un des grands atouts des deux derniers opus est de réutiliser des personnages secondaires de Pusher I, pour en faire les principaux protagonistes.

Milo, dans Pusher I, c'est le gros ponte du trafic de came. Un brin caricatural, il est une de ces figures à la Paul CICERO (Les Affranchis), un caïd qu'il vaut mieux ne pas froisser sous peine de finir jeté à l'eau avec des semelles en béton. Après une apparition éclair dans Pusher II, on le retrouve ici en tête d’affiche. Milo est fatigué. Jadis il tenait ses affaires d'une main de fer, mais il n'est plus dans le coup. Il ne peut plus compter sur grand monde, ses nouveaux hommes de mains ne sont pas très efficaces. Même sa fille qu'il chérit plus que tout commence à lui marcher dessus. Une nouvelle génération de truands commence à émerger et s'impose peu à peu. Milo n'a plus grand chose de sa superbe, la fin est proche pour lui. Milo est vieux. Pusher III est l'épisode le plus désespéré: une vie entière passée à devenir quelqu'un, mais au final on se retrouve tout seul. Milo est triste. Il n'aura même pas de dernier tour de chant, comme un vieux crooner.

Milo, c'est Nicolas Winding REFN. Tout comme il a mis beaucoup de lui en Tony pour le second volet, il a mis beaucoup de lui en Milo pour le dernier chapitre. Il en a assez du monde de Pusher et souhaite le quitter. Certes, les histoires de dealers lui ont beaucoup apporté, mais il est fatigué de cet univers. Lui aussi doit passer à autre chose. L'ange de la Mort conclut brillamment cette trilogie, REFN laisse ces personnages derrière lui.


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Pusher - 2012

Frank est un petit dealer de Londres. A la suite d'une transaction qui tourne mal... (Merci de se reporter à l'original).

Drôle d'idée que de faire un remake de Pusher: l'original a des défauts mais supporte parfaitement le poids des années (les vieux téléphones portables sont les seuls éléments réellement datés). Le remake se contente juste d'être une copie carbone sans essayer d'introduire la moindre nouveauté. Le réalisateur a disposé d'un budget plus conséquent que REFN: l'image est plus propre et on a parfois l'impression de regarder un clip, particulièrement lors des séquences en boîte de nuit. Paradoxalement, cela crée un esthétique léchée et branchouille qui risque de très mal supporter le poids des années.

Pusher 2012 a particulièrement raté son casting: la pire idée est certainement d'embaucher Zlatko BURIC dans le rôle de Milo. Il ne s'agit pas d'un caméo sympathique des auteurs, mais de la preuve d'un manque total d'imagination de leur part. Le talent et le charisme de l'acteur ne sont pas en cause, mais sa présence ne cesse de nous rappeler l'univers glauque et oppressant de l'original. Richard COYLE, qui interprète Frank, est assez convaincant dans son rôle, mais il n'arrive pas à dégager la même empathie que Kim BODNIA. Ce dernier, avec sa bouille ronde et ses yeux bleus, arrivait à inspirer beaucoup de sympathie malgré ses actes. Mais le pire est certainement Bronson WEBB, dans le rôle de Tony, qui fait passer son personnage pour un crétin et détruit tout crédibilité: je suis d'accord pour dire que l'acolyte de Frank n'est pas une lumière et que WEBB a la lourde tache de reprendre un rôle joué à l'origine par Mads MIKKELSEN, mais il y a des limites!

Tout n'est pas à jeté dans Pusher 2012: l'ambiance des bas-fonds de Londres est sympathique et même si on connait l'histoire, le film fonctionne bien. Mais j'ai du mal à comprendre la démarche des auteurs qui se contentent de reprendre les ingrédients sans modifier la recette. Je ne suis pas contre les remakes, mais cela doit être justifié par une nouvelle approche de l'histoire ou une actualisation d'un film daté. La version 2009 de The Firm est un bon exemple de ce que doit être un remake: les auteurs essayaient de raconter la même histoire mais d'un point de vue différent. Même si le film avait des défauts, les auteurs essayaient de faire quelque chose de neuf et pertinent.

Finalement, je préfère le look crane rasé et jogging Addidas des danois plutôt que les minets londoniens.


"- Frank, tu me dois 55 000 £!"
"- Toi, tu dois avoir de sacrés dettes pour reprendre le même rôle qu'il y a 15 ans!"