dimanche 22 août 2021

La Haine - 1995 - Mathieu KASSOVITZ


  

Vinz', Saïd et Hubert sont trois amis qui habitent en banlieue. Suite à une bavure, leur cité s'enflamme. Vinz' récupère l'arme d'un policier. Les trois jeunes gens vont vivre la journée la plus longue de leur vie.

Lors de sa sortie en 1995, La Haine provoqua un véritable électrochoc. Couvertures de l'ensemble de la presse (spécialisée ou non), reportages télés sur le malaise des banlieues, présentation à Cannes... Pour la première fois, le cinéma français présentait la vie de jeunes "lascars". Rapidement, des polémiques apparurent sur l'authenticité du film: on reprochait notamment à Mathieu KASSOVITZ, fils de bourgeois, de s'être approprié la culture de la Banlieue pour en livrer une version aseptisée. Outre le fait que cela revient à reprocher au réalisateur ses origines (ce qui est franchement dégueulasse), il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une histoire avec ses défauts et ses qualités. Tout œuvre (fiction ou documentaire) adopte forcément un point de vue qui sera critiquable.

Mais au-delà de la polémique sur la street credibility du film, ce dernier vieillit très bien et reste agréable à regarder, plus de 25 ans après sa sortie. On s'attache à ces trois jeunes qui n'ont pas grand chose à faire de leur journée et pour qui l'avenir s'annonce morose. Le talent des trois comédiens et la qualité d'écriture des dialogues en font un sympathique trio, même si on n'oublie pas de montrer qu'ils agissent souvent comme des "petits cons". Revoir La Haine rappelle surtout que le formidable talent de metteur en scène de KASSOVITZ: le découpage, le montage, la photographie... Pour son deuxième film, il faisait preuve d'une créativité impressionnante qu'il ne retrouva peut-être jamais par la suite.

 

Historiquement, La Haine marque la fin du loubard à l'écran et le début du wesh. Jusqu'à cette époque, le jeune de banlieue, au cinéma, devait être un blouson noir aux cheveux longs qui circule en motocyclette et écoute du rock. KASSOVITZ est l'un des premiers à montrer comme héros des jeunes issus de l'immigration, habillés en survêtement de marque et écoutant du rap. Dix ans après l'émission de Sidney, la culture hip-hop faisait son grand retour des les médias mainstream. Le gros succès public (2 millions d'entrées) prouvèrent aux acteurs culturels (cinéma, musique...) que le banlieusard était bankable. Les plus grosses ventes des pionniers du rap français (IAM, Suprem NTM...) allaient venir quelques temps après. Une multitude de films mettant en scène des jeunes en Lacoste et à la casquette à l'envers allaient truster les cimes du box-office.

Souvent opportuniste et parfois teintée d'un certain mépris de classe, cette weshploitation allaient faire les beaux jours des producteurs de cinéma ou des chaines de télévision. Canal + en tête, ces dernières allaient recruter de nouveaux comiques/présentateurs issus des quartiers sensibles et des minorités visibles pour ensuite jouer en tête d'affiche dans des comédies calibrées pour le prime time

La Haine marqua son époque, mais pas comme un signal d'alarme sur l'état de la société. Comme tout objet culturel rapportant de l'argent, il lança une mode, fût récupéré et souvent mal copié.

 







vendredi 20 août 2021

Les Loulous - 1977 - Patrick CABOUAT


 

Dans la France des 70's, Ben et sa bande traîne toute la journée dans leur ville nouvelle et vivent le fameux "malaise des banlieues". Le frère de Ben est tué suite à une altercation avec un cafetier. Il cherche à se venger, mais est arrêté et envoyé en hôpital psychiatrique.
 
Un film que j'ai longtemps cherché à voir mais qui restait invisible jusqu'à sa récente réédition par Le Chat Qui Fume. L'attente en valait-elle le coup? Évidemment non. Les Loulous est un "premier film français" sur "la banlieue". 
 
Comme tout film sur la banlieue, on aura droit à une bande de jeunes sans avenir, victime de violences policières et d'injustices, que la société ne cesse de martyriser. Mais comme tout premier film français, il y a un certains de maladresses qui rendent le visionnage sinon pénible, du moins difficile. 
 
Tout commence par une scène de lynchage dans un terrain vague qui ne sera pas connectée au reste de l'histoire. C'est un moment impressionnant, mais dont on ne saisit pas les enjeux. On suit ensuite Ben et sa bande qui zonent au milieu des grands ensembles. Ils vont à la MJC du coin voir un concert de Little Bob. Ben tombe amoureux de Marie, choriste du rocker havrais, jouée par Valérie MAIRESSE (c'était son premier rôle, le réalisateur en profite pour la montrer à poil).

Certains moments sont de vraies prouesses de mise en scène (notamment un travelling rotatif impressionnant ou certains passages oniriques qui illustrent le chaos mental de Ben) mais on a également de grosses longueurs ou des éléments pas très bien gérés. Heureusement tout sera rattrapé (ou presque) par une fin totalement chaos et inattendue qui aura le mérite de faire aller le film jusqu'au bout de son délire. 
 
En plus, l'affiche est cool.
 
 
 

 


















dimanche 30 mai 2021

The Boys Next Door - 1985 - Penelope SPHEERIS

  

Deux jeunes provinciaux, Bo et Roy, viennent de finir le lycée. Avant de commencer leur travail à l'usine, ils décident de partir faire une virée à Los Angeles qui s'avérera sanglante. 

The Boys Next Door est le premier script de Glen MORGAN et James WONG: alors débutants, ils devaient travailler quelques années plus tard sur la série 21 Jump Street et signer les meilleurs épisodes de ce feuilleton pour adolescents trop sous-estimé. Derrière la caméra, c'est Penelope SPHEERIS: réalisatrice punk, elle venait de sortir de Suburbia, l'histoire de jeunes zonards dans une banlieue pavillonnaire. The Boys Next Door aurait pu n'être qu'une simple petite série B, mais leurs auteurs ont su en faire une œuvre plus intéressante qui réussit à témoigner d'un malaise, sans pour autant se montrer moralisatrice.

Bo et Roy sont deux jeunes prolos qui sont destinés à passer leur vie entière à travailler sur une machine pour produire du Made in America. Ils espèrent se payer du bon temps à Los Angeles, mais comprennent rapidement que cette ville n'est pas faite pour eux. Leur virée va se traduire par une explosion de violence gratuite. On frôle le côté parfois vulgaire du cinéma d'exploitation, mais le ton reste toujours sombre. Les auteurs du film ne cherchent pas à justifier ni même à condamner la brutalité des deux personnages: ce sont uniquement deux gamins dont l'avenir est peu engageant, mais ils sont parfaitement responsables de leurs actes. On ne sait pas réellement le pourquoi de leurs crimes, les auteurs donnent plusieurs pistes (problèmes psychologiques, frustration accumulée...) mais laissent le spectateur seul juge.

Au-delà du simple constat sur l'impasse dans laquelle se trouve la classe populaire blanche des années Reagan, The Boys Next Door est surtout un film d'ambiance: SPHEERIS a su retranscrire l'atmosphère étouffante du Los Angeles des 80's avec ses loubards, ses rades louches et ses personnages déglingués. On se croit presque dans Vice Squad (Gary SHERMAN - 1982). D'ailleurs, les deux films ayant d'ailleurs le même producteur, Sandy HOWARD, un des papes du bis américain.

 The Boys Next Door, sans être un chef-d’œuvre, est intéressant à revoir, notamment pour y découvrir un jeune Charlie SHEEN avant la gloire.



 


mardi 2 mars 2021

Ma 6-T va crack-er - 1997 - Jean-François RICHET

 
Plusieurs jeunes traînent dans leurs immeubles, s'embrouillent avec ceux de l'autre cité et le tout finit par une émeute.
 
Film de weshs des 90's, pas spécialement réussi. Même si RICHET tente quelques trucs, c'est dans l'ensemble pas très bien filmé avec une post-synchro assez dégueulasse. Les persos n'existent pas à l'écran, ils ne sont ni attachants, ni énervants, ni rien du tout. On voit la différence avec Raï de Thomas GILOU qui proposait des figures vivantes et originales.
 
Ancien ouvrier devenu cinéaste, RICHET a imprégné ses premiers films d'un discours politique fortement teinté de marxisme. Malheureusement, cela permet de vérifier une fois de plus l'adage selon lequel les bons sentiments ne font pas le bon cinéma. Il ne sait pas trop ce qu'il filme: une simple émeute de banlieue suite à une bavure? Le début d'une révolution? Mention spéciale au générique particulièrement risible où Virginie LEDOYEN prend des poses de pasionaria, armes à la main. Il tente également d'insuffler une conscience de classe à ses personnages de lascars, ce qui donne lieu à quelques dialogues inattendus et pas spécialement crédibles. S'il a lu Marx, il a dû s'arrêter avant la définition de lumpenproletariat. 
 
 











 
 


 

dimanche 21 février 2021

De Bruit et de Fureur - 1988 - Jean-Claude BRISSEAU

 


Bruno, un jeune garçon rêveur, doit aller vivre chez sa mère à la mort de sa grand-mère. Scolarisé dans dans CES, il va rencontrer Jean-Roger, la terreur de l'école.

Une vision crue et brutale des grands ensembles de la fin des 80's. On n'est pas encore dans l'époque wesh de La Haine de KASSOVITZ, mais la sympathique banlieue parisienne des loubards à la Renaud est déjà finie, minée par le chômage et l'échec scolaire.
De Bruit et de Fureur montre l'itinéraire de deux gamins qui vont peu à peu sombrer dans la violence et la délinquance. Le film a un côté naturaliste: il filme les grands ensembles de cité et ses habitants sans chercher à les iconiser ou à les magnifier, juste à retranscrire la violente réalité. Bruno, adolescent fragile n'est pas à sa place, il se réfugie dans des visions surréalistes où il rencontre une étrange femme fantomatique: S'agit-il de sa mère qu'on ne voit jamais? Un fantasme? La Mort? 
Face à lui, Jean-Roger qui est le véritable héros du film. Au départ simple adolescent turbulent, il va peu à peu basculer va la délinquance. Formidablement interprété par François NEGRET, c'est l'exemple parfait du petit caïd: il va chercher à faire ses preuves auprès d'une bande du quartier et commettre le pire. Mais le spectateur ne peut cependant réellement le condamner malgré ses actes: élevé et vivant dans un environnement violent, il ne fait que s’adapter et reproduire ce qu'il a toujours connu.
Le film est agréablement surprenant par son absence de point de vue politique: le réalisateur ne fait pas de ses protagonistes les victimes d'une quelconque lutte des classes ou les symboles d'un prolétariat victime de la bourgeoise. Jean-Claude BRISSEAU a été enseignant pendant une dizaine d'années dans plusieurs établissements difficiles. Il sait que le lumpenproletariat qu'il a côtoyé et qu'il filme a depuis longtemps abandonné la lutte politique et que les politiques l'ont également abandonné. Le père de Jean-Roger (joué par Bruno CREMER) a une vague conscience d'anarchiste libertaire, mais cela lui sert surtout à justifier sa vie de voyou et sa violence. BRISSEAU profite de quelques scènes pour montrer la lâcheté de l'administration qui n'hésite à laisser tomber ses enseignants pour ne pas faire de vagues.