dimanche 14 février 2021

Raï - 1995 - Thomas GILOU

 

Dans une cité de banlieue parisienne, l'itinéraire de jeunes.

Au milieu des années 90, un nouveau sous-genre cinématographique est apparu: le film de Wesh. Aux loubards en Perfecto et cheveux longs des années 60 à 80, succédèrent sur les écrans des jeunes aux crânes rasés, en survêtements de marques et souvent issus de l'immigration. Même si le mouvement hip-hop était déjà présent depuis le début des 80's en France (notamment via l'émission H.I.P H.O.P de Sidney) et les Inconnus le caricaturaient déjà dans leurs émissions, ce n'est que vers 1995 que le jeune de banlieue devient un personnage récurrent du cinéma français.

La Haine de Mathieu KASSOVITZ est souvent considéré comme le fer de lance de ce sous-genre. Énorme succès critique et commercial à sa sortie, il a fait de l'ombre à d'autres films sortis au même moment: État des Lieux de Jean-François RICHET, pamphlet à forte connotation politique et Raï de Thomas GILOU (qui réalisera plus tard La Vérité si je mens!). En apparence modeste et sans ambition, c'est peut-être celui des trois films qui a le mieux traversé les années.

Thomas GILOU n'a jamais été un grand artiste, ses films sont réalisés comme des œuvres pour la télévision (à sa décharge, il n'a pas forcément de gros budgets). Cependant, il sait diriger ses acteurs, recréer l'atmosphère d'une communauté et montrer des personnages qui sont tour à tour, attachants, agaçants ou émouvants. GILOU préfère l'authenticité au combat politique et militant. Ce qu'il montre n'a rien d'exceptionnel, il s'agit uniquement de petites histoires qui se sont produites de milliers de fois dans toutes les cités de France. Mais avec le recul, c'est plus crédible et intéressant que le noir et blanc outrageusement spectaculaire de KASSOVITZ.

Raï est également l'occasion de voir les débuts d'un comédien, avant qu'il ne soit victime de ses démons, Samy NACERI dans le rôle d'un toxicomane: il compose un jeune paumé qui finira par s'autodétruire, qui n'est pas sans rappeler le propre destin de l'acteur. On a également le premier et unique rôle normal de l'actrice X Tabatha CASH. Sa présence au casting a fait l'objet de moqueries à la sortie: son personnage est une beurette de cité qui rêve de quitter son milieu et dont le frère cherche à contrôler la virginité. Il est vrai que sa silhouette siliconée peut faire sourire, mais son jeu d'actrice est loin d'être honteux. Son personnage de jeune fille victime de l'oppression familial et cherchant à fuir un destin tracé est certainement le plus intéressant du film. De même, il est logique qu'elle ait été choisie dans le casting: à l'époque, elle incarnait le fantasme ultime du jeune de banlieue par son côté trash et provocateur.

Raï mérite d'être revu car il montre les débuts de l'émergence de la culture banlieue au sein des médias mainstream: même s'il est très moyen d'un point de vue cinématographique, il propose des personnages attachants et crédibles.








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