dimanche 30 juillet 2017

Russia 88 - 2009 - Pavel BARDIN

Sasha est le chef d'un groupe de skinheads néo-nazis moscovites. Un jour, il apprend que sa sœur sort avec un "cul-noir", c'est-à-dire un de ces caucasiens qu'il ne cesse de pourchasser avec sa bande.

Russia 88 est un mockumentaire, un faux reportage décrivant le quotidien de jeunes néo-nazis moscovites. Il est censé être filmé par les skins eux-mêmes qui réalisent des petites vidéos de propagande qu'ils mettent en ligne sur Internet. Tout est mis en scène, ce dont il n'est pas évident de se rendre compte à première vue tant le résultat semble réaliste. Le traitement est assez original car le found footage est une technique plutôt utilisée dans le genre horrifique, essentiellement en tant que cache-misère. Pour Russia 88, on a au contraire un rendu impressionnant et immersif avec d'excellents acteurs très convaincants. 

Le plus gros défaut du film est que l'histoire ne commence réellement que dans le dernier tiers de Russia 88: le reste du métrage est composée de scènes du quotidien de tout jeune skinhead (ratonnades, tournage de vidéos de propagande, concert de RAC, tabassage de gauchistes...). Il faut attendre les quarante dernières minutes pour que l'on ait un début d'intrigue avec des enjeux qui se posent.

Des films sur les skinheads, il y en a déjà eu beaucoup. American History X, This is england, Danny Balint... Mais dans ces histoires, l'anti-héros connait toujours une forme de rédemption, ce qui laisse un espoir. Même dans Romper Stomper, le comparse de Russel CROWE décide de quitter la bande par amour pour une jeune vietnamienne. Sacha, le leader de Russia 88, reste jusqu'au bout de l'histoire une ordure que rien ne viendra racheter. La grande réussite du film est de ne pas montrer Sacha comme une victime ou un type que l'on chercherait à excuser, mais comme un connard parfaitement conscient de ses choix: il se plaint que les immigrés volent le travail des russes, mais il ne semble pas faire grand chose pour essayer de s'en sortir. Il n'est, au fond, qu'un voyou qui veut se parer d'une aura de martyr et de militant politique, simplement parce que c'est plus facile. A la différence d'un American History X qui est un peu trop fasciné par ce qu'il veut dénoncer, Russia 88 présente un personnage charismatique mais qu'on ne peut que détester.

Le film a été interdit en Russie, mais est facilement disponible en DVD en édition anglaise.


 

La jeune sœur du héros.



Le groupe de skinheads réalise des vidéos de propagande, notamment de micro-trottoirs où ils posent des questions sur la présence des immigrés en Russie. D’après ce que je sais, il s'agit d'authentiques passants qui ont été interviewés et les réponses sont totalement spontanées.



Piotr FIODOROV, dans le rôle de Sasha, révélation du film.

samedi 15 juillet 2017

The Town That Dreaded Sundown - 1976 - Charles B. PIERCE

A true story: s'ils le disent...
En 1946, un mystérieux homme cagoulé, le Phantom Killer, a tué cinq personnes dans la ville de Texarkana, Arkansas. 

The Town That Dreaded Sundown (T.T.T.D.S) est un exemple de proto-slasher: le film date de 1976, deux ans avant le premier Halloween. A cette époque, Black Christmas et La Baie Sanglante sont déjà sortis, mais les règles du genre sont loin d'être fixées. Le massacre d'adolescents est assez peu fréquent sur les écrans et est encore au stade de l'expérimentation. Il a été réalisé par Charles B. PIERCE, également auteur de The Evictors. A priori, T.T.T.D.S n'est pas sorti en France.

La trame du film est assez classique: des couples de jeunes amoureux qui batifolent le soir dans leur voiture sont agressés par le mystérieux Phantom Killer. Par contre, le traitement est particulier et diffère de la plupart des autres films du genre: le film est avant une reconstitution des investigations policières, il ne cherche pas à décrire un groupe d'adolescents auxquels le spectateur devrait s'attacher. On est plus proche du Zodiac de FINCHER que de Scream.

Je n'ai pas trop de critiques à faire: l'ensemble tient parfaitement la route. Que ce soit en terme de mise en scène, d'interprétation ou d'écriture, le film s'avère très bon. Il n'y a que deux choses qui m'ont gêné: le réalisateur utilise une voix off qui veut renforcer le côté authentique et réaliste mais m'a sorti du film. Ensuite, on sent que PIERCE n'arrive pas à donner un sens au Phantom Killer: contrairement à des films comme Nightmare on Elm Street ou Halloween faisaient de leurs boogeymans les symboles du mal-être des jeunes adolescents dans les banlieues américaines, le tueur n'évoque rien. Après, si on n'a que ça à reprocher au film...

Il y a quelques défauts, mais The Town That Dreaded Sundown est un excellent film slasher, bien meilleur que 95% de ce qui est sorti par la suite.


Ce plan est juste magnifique!










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Le film a eu l'honneur d'une suite/remake en 2014. Je ne l'ai pas vu, mais elle ne fait pas trop envie.








mercredi 12 juillet 2017

The Evictors - 1979 - Charles B. PIERCE

Affiche magnifique qui survend un peu le film
En 1942, un jeune couple venu de la Nouvelle Orléans s’installe dans une très belle demeure au fin fond de la campagne de Louisiane. Peu à peu, l'épouse apprend que des évènements tragiques ont eu lieu dans sa demeure. Une sombre présence semble rôder autour d'elle.

The Evictors fait partie de cette ribambelle de films d'horreurs sortis dans la foulée du succès du premier Halloween. A ma connaissance, il n'y a pas eu de sortie française. Aux États-Unis, il a disposé de plusieurs éditions Blu Ray/DVD.

On est à mi-chemin entre l'horreur psychologique à la Rosemary's Baby et le film de boogeyman. The Evictors doit beaucoup sa réussite à l'excellent prestation de l'actrice principale, Jessica HARPER. Elle campe une citadine obligée de suivre son mari au fin fonds de la campagne. On sent que ce personnage éprouve du malaise à cette nouvelle situation, malaise qui pourrait la rendre paranoïaque.

La réalisation bénéficie d'une très belle photographie et s'avère efficace: elle transforme peu à peu une belle maison en endroit effrayant grâce à une  utilisation intelligente des ombres et de l'espace.

Le film n'est pas exempt de défauts, particulièrement dans son climax. Certains retournements de situations sont très prévisibles pour le spectateur un peu averti. La fin laisse vraiment le spectateur sur sa faim. Elle n'est pas bâclée et était certainement impressionnante à la fin des 70's, mais aujourd'hui elle sonne inutilement compliquée. Quand on regarde la fin du premier Halloween, qui est une des plus simples et des plus efficaces du cinéma d'horreur, celle de The Evictors est réellement décevante.

Si le film a des défauts, il a suffisamment de qualités pour remporter l'adhésion de nos jours. The Evictors n'est pas un chef-d’œuvre, mais un sympathique film d'horreur qui mériterait d'être redécouvert.





Michael PARKS et Jessica HARPER


 Vic MORROW







 

samedi 8 juillet 2017

Effraction - 1982 - Daniel DUVAL

Lors d'un braquage qui tourne mal, Valentin TRALANDE (Jacques VILLERET) abat ses complices et s'enfuit avec l'argent. Il erre sans but précis. Sa route va croiser celle d'un couple (Bruno CREMER et Marlène JOBERT) qu'il va prendre en otage.

Effraction est réalisé par le regretté Daniel DUVAL (notamment acteur dans la série Engrenages), interprété par les regrettés Bruno CREMER et Jacques VILLERET. C'est également le premier rôle de Maxime LEROUX, lui aussi décédé. Avec également avec Marlène JOBERT qui elle est toujours en vie.

Effraction, c'est un peu le Tchao Pantin de Jacques VILLERET, le moyen pour lui de casser son image de gros rigolo. Sauf qu'Effraction a été tourné avant le film de Claude BERRI. De plus, VILLERET n'était pas un comique qui faisait des films, mais un acteur capable de jouer une grande variété de rôle. On se souvient de lui comme le François PIGNON du Diner de cons, mais un autre de ses rôles les plus connus est Mo, l'handicapé mental de L'été en pente douce.

Le film est inégal: la première montrant l'errance sans but de Valentin à travers le Sud de la France est la plus intéressante. DUVAL accumule les scènes qui montrent la solitude du braqueur: il fait diverses rencontres (un taximan, une prostituée,un plombier) parfois glaçantes, parfois absurdes, souvent surprenantes. Le truand n'est plus un beau mec flamboyant, ni même un loser magnifique, mais juste un pantin grotesque incapable d'affronter la réalité.

Malheureusement, après cette bonne première partie, le film devient beaucoup plus plan-plan et moins intéressant: dès que Valentin prend le couple en otage, l'ensemble devient beaucoup plus linéaire et assez prévisible. D'ailleurs, malgré le talent de Bruno CREMER et de Marlène JOBERT, leur couple ne fonctionne pas réellement et ne dégage aucune alchimie à l'écran. Heureusement, Jacques VILLERET est parfait du début à la fin et justifie par sa seule prestation la vision de ce film.


C'est un film policier un peu oublié, qui semble avoir été peu diffusé à la télévision. Ce qui est dommage car même s'il a des défauts, il vieillit bien. Parmi tous les polars français des années 80 (décennie de la honte et de la décadence pour ce genre), il est un des plus regardables de nos jours.





 Maxime LEROUX, dans sa première apparition à l'écran

Petite apparition de Florent PAGNY













mardi 4 juillet 2017

God Speed You! Black Emperor - 1976 - Mitsuo YANAGIMACHI

Dans le Japon des années 70 en pleine croissance économique, les exploits d'un gang de motards, les Blacks Emperors.

God Speed You! Black Emperor est  un documentaire consacré à un phénomène japonais de gang juvénile: les Bõsõzokus. Un peu comme les blousons noirs français, il s'agit de jeunes désœuvrés, fortement influencés par la culture américaine, qui mènent une vie de marginalité et de petits combines. Les Blacks Emperors ne sont pas comparables aux gangs nord-américains de bikers: il ne s'agit pas de criminels aux casiers judiciaires lourdement chargés, mais de jeunes délinquants. La plupart ont abandonné l'école et ont quitté le foyer parental. La bande est pour eux un refuge. Ils ont adopté les codes des voyous: fraternité, lutte de territoire et enjeux dérisoires, respect du chef et haine des autorités. Ils vivent dans des banlieues qui n'ont rien à envier aux grands ensembles français et se prennent en pleine face la modernisation à marche forcée du Japon d'après-guerre dont ils sont exclus.

God Speed You! Black Emperor est le premier film de son réalisateur. Il a été tourné en noir et blanc en 16 mm, ce qui a deux conséquences.  Tout d'abord le film est visuellement assez moche, comme on peut le voir sur les captures écrans. Par contre, la légèreté de l'équipement permet de réaliser nombre de scènes en caméra embarqué: outre le caractère spectaculaire de voir des dizaines de motards prendre possession d'un Tokyo nocturne, elles montrent parfaitement ce qu'est un gang de Bõsõzokus.

Si le première est très intéressante, la dernière demi-heure est peu redondante. On sent que le réalisateur ne sait plus trop quoi filmer et qu'il a fait le tour de son sujet. Cependant, God Speed You! Black Emperor reste un témoignage instantané sur une sous-culture aujourd'hui en voie de disparition. Mitsuo YANAGIMACHI a fait le choix de filmer ces motards sans faire de sensationnalisme. Il a essayé de s'approcher d'eux pour les comprendre et montrer qu'il n'étaient pas que des loubards.